Rivalités entre cadres et conflits d'ego menacent la machine électorale du parti au pouvoir à une semaine du scrutin
Bafoussam – À une semaine de la présidentielle du 12 octobre, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) affiche une démonstration de force dans la région de l'Ouest, mais des fissures apparaissent au sein de sa machine électorale. Selon des révélations exclusives de Jeune Afrique, le parti au pouvoir fait face à des rivalités internes qui pourraient compromettre sa mobilisation dans cette région stratégique.
Le 6 octobre dernier, la permanence du RDPC à Bafoussam avait des allures de "camp militaire", rapporte Jeune Afrique. À l'occasion de la visite de Jean Nkuete, secrétaire général du comité central et patron de la campagne de Paul Biya, la quasi-totalité de ce que l'unité administrative compte en termes d'élites était présente : ministres, opérateurs économiques, élus, cadres de l'administration...
Le magazine panafricain souligne que cette mise en scène soigneusement orchestrée vise à renvoyer l'image d'une "armée sur le pied de guerre". Pourtant, derrière cette façade d'unité, des tensions menacent la cohésion des troupes du parti présidentiel.
Jeune Afrique révèle que le RDPC s'engage dans cette présidentielle avec de nombreux écueils au sein de ses rangs. Les rivalités à l'approche des élections locales prévues en février 2026 se sont intensifiées, au point de menacer l'engagement de certains membres sur le terrain pour le scrutin présidentiel.
Ces conflits internes ne sont pas anodins dans une région où le parti au pouvoir a officiellement remporté la présidentielle de 2018 avec 48,19 % des voix contre 30,56 % pour Maurice Kamto, selon les chiffres rapportés par le magazine panafricain. Une mobilisation défaillante pourrait coûter cher au RDPC, surtout face à une opposition qui, bien que fragmentée, multiplie les alliances locales.
Interrogé par Jeune Afrique, Nji Komidor Njimoluh, patron du RDPC dans la région et diplomate chargé de diriger la campagne de Paul Biya dans l'Ouest, tente de minimiser l'impact de ces tensions. "Il s'agit davantage de guerres d'ego dans lesquelles chacun veut se présenter comme celui qui défend le mieux les intérêts du parti", explique-t-il au magazine. "C'est à l'avantage de notre parti, car chacun rivalise désormais d'ingéniosité pour obtenir la victoire finale."
Cette lecture optimiste contraste avec la prudence affichée par le parti. Jeune Afrique note que malgré ses solides acquis dans la région, notamment grâce à son "impressionnant réseau d'hommes liges", le RDPC se refuse à se présenter à l'élection de 2025 en vainqueur d'office.
Lors du meeting du 6 octobre, Jean Nkuete a directement attaqué ses adversaires, en particulier Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, tous deux anciens ministres de Paul Biya passés dans l'opposition. "Quelle crédibilité accorder à des individus qui pourfendent un bilan dont ils sont comptables ?", a-t-il interrogé, selon Jeune Afrique.
Le secrétaire général du comité central a également lancé un avertissement : "L'Ouest ne peut pas laisser n'importe qui venir lui donner des leçons, et ils doivent le savoir à travers le choix qui sera opéré le jour du vote."
Le magazine panafricain souligne que l'invalidation de la candidature de Maurice Kamto par le Conseil constitutionnel semblait tracer une "voie royale" pour le RDPC. Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), qui avait disputé la région au parti au pouvoir durant les sept dernières années, se retrouve sans candidat.
De même, le Social Democratic Front (SDF) de Joshua Osih, parti historique d'opposition qui comptait la région parmi ses bastions, a perdu en influence en raison de conflits internes ayant débouché sur l'exclusion de plusieurs cadres, dont la plupart originaires de l'Ouest.
Pourtant, cette fragmentation apparente de l'opposition cache une recomposition inattendue. Jeune Afrique révèle que les alliances tissées par Issa Tchiroma Bakary avec des soutiens de Maurice Kamto, et par Bello Bouba Maïgari avec le G27 (anciens cadres exclus du SDF), ont rebattu les cartes du scrutin dans la région.
Pour le RDPC, le défi du 12 octobre ne se limite pas à convaincre les électeurs de l'Ouest de la pertinence du bilan de Paul Biya. Il s'agit aussi de surmonter ses propres divisions internes et de démontrer sa capacité à mobiliser massivement, face à une opposition certes fragmentée, mais qui a su créer des coalitions locales inattendues.
Comme le note Jeune Afrique, la question cruciale reste posée : le RDPC sortira-t-il une nouvelle fois gagnant dans l'Ouest, ou les rivalités internes et la dynamique créée par les outsiders de l'opposition créeront-elles la surprise ? La réponse sera connue dimanche prochain.