Actualités of Wednesday, 29 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Cameroun : le silence assourdissant des chancelleries occidentales après la présidentielle

Un rapport confidentiel envoyé à Bruxelles révèle les coulisses de l'attentisme diplomatique


Alors que Paul Biya a été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle du 12 octobre pour un huitième mandat, les grandes puissances occidentales observent un silence pesant. Une posture qui contraste vivement avec l'empressement habituel des félicitations diplomatiques et qui en dit long sur les doutes qui entourent ce scrutin.


Révélation Jeune Afrique : lors de la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel le 27 octobre, les sièges réservés aux diplomaties occidentales sont restés désespérément vides. Ni l'Union européenne, ni la France, ni les États-Unis, ni le Canada, ni la Grande-Bretagne n'avaient dépêché de représentants au Palais des congrès de Yaoundé. Une absence qui constitue un camouflet diplomatique sans précédent pour le régime de Paul Biya.
En revanche, la Russie a joué un tout autre partition : son ambassadeur était bel et bien présent dans les premiers rangs, témoignant d'un positionnement géopolitique assumé de Moscou dans la région.


Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, un rapport confidentiel détaillant le déroulé du scrutin du 12 octobre a été transmis à Bruxelles. Ce document, dont le contenu n'a pas été rendu public, alimente les réticences des chancelleries européennes à reconnaître trop rapidement la victoire du président sortant.


L'Union européenne avait déjà manifesté sa prudence en amont, en choisissant de ne pas envoyer de mission d'observation électorale sur le terrain le jour du vote. Un signal fort qui témoignait déjà des inquiétudes de Bruxelles sur la régularité du processus électoral.


Depuis l'annonce des résultats, l'UE a publiquement exprimé sa « préoccupation face à la violente répression des manifestations des 26 et 27 octobre ». Dans un communiqué, elle appelle « les autorités camerounaises à rendre des comptes, à faire preuve de transparence et à faire justice afin de lutter contre les cas de recours excessif à la violence ».

« Elles attendent de voir de quel côté souffle le vent avant de se prononcer », résume un analyste interrogé par Jeune Afrique sous couvert d'anonymat. Cette formule décrit parfaitement la posture des grandes puissances occidentales, prises entre leurs intérêts stratégiques au Cameroun et leurs principes démocratiques affichés.

Issa Tchiroma Bakary, qui conteste la victoire de Paul Biya et revendique sa propre élection, compte précisément sur cette réticence internationale. Depuis sa résidence de Garoua où il vit reclus depuis le 10 octobre, l'opposant espère que l'absence de légitimité internationale pourra affaiblir le président sortant et ouvrir la voie à une issue favorable.

Sur le plan continental, le constat est tout aussi édifiant pour l'opposant camerounais. Jeune Afrique révèle que seul le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema a félicité Paul Biya dès le 27 octobre, jour de la proclamation des résultats.

Plus révélateur encore : à Libreville, les manifestations de la diaspora camerounaise favorable à Issa Tchiroma Bakary ont été systématiquement interdites ces dernières semaines. Un soutien indirect mais sans ambiguïté du régime gabonais à Paul Biya, qui illustre l'isolement régional du chef du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC).

Ce silence international inhabituel crée une situation inédite au Cameroun. Sans la validation rapide de la communauté internationale, Paul Biya se retrouve dans une forme de zone grise diplomatique, même si son pouvoir reste intact sur le terrain.

Pour Issa Tchiroma Bakary, ce vide représente à la fois une opportunité et un piège. Une opportunité car il nourrit le doute sur la légitimité du scrutin. Un piège car, comme le rappelle l'analyste contacté par Jeune Afrique, « aucune chancellerie ne s'aventurera à le soutenir de but en blanc ».

Dans ce bras de fer qui s'installe dans la durée, le temps joue contre l'opposant. Plus les jours passent sans reconnaissance internationale de sa revendication, plus sa position s'affaiblit. À moins que les révélations du rapport confidentiel bruxellois ne changent la donne dans les semaines à venir.