Derrière la démission fracassante d'Issa Tchiroma Bakary se cache une réalité plus profonde : un conflit générationnel qui gangrène le système de gouvernance camerounais. Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique, l'ancien ministre de l'Emploi n'a plus eu d'audience avec le président Paul Biya depuis des années, symptôme d'une fracture générationnelle au sommet de l'État.


Les sources proches de la présidence consultées par Jeune Afrique sont formelles : "Il n'a plus d'interlocuteur fiable au palais. Le président ne le reçoit pas ni ne donne suite à ses sollicitations depuis des années." Cette mise à l'écart systématique illustre un phénomène plus large qui touche l'ensemble des cadres de la génération de Tchiroma.


Au cœur de cette transformation se trouve Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, de 11 ans le cadet de Tchiroma. Comme le révèle Jeune Afrique, les relations entre les deux hommes se sont considérablement dégradées. "Il a connu des rapports difficiles avec un entourage présidentiel qui s'est considérablement rajeuni au cours des dernières années", confie une source présidentielle au magazine.


La rupture est d'autant plus symbolique que Tchiroma avait été ramené au gouvernement en juin 2009 grâce aux négociations menées par Martin Belinga Eboutou, alors directeur de cabinet du président. Jeune Afrique révèle que la disparition de ce dernier en 2019, à l'âge de 79 ans, a privé Tchiroma de son principal relais au palais.


Cette marginalisation ne concerne pas que Tchiroma. Selon les informations exclusives de Jeune Afrique, "c'est un conflit de générations qui gangrène le pouvoir et ostracise la plupart des hauts fonctionnaires de sa trempe." Cette révélation éclaire d'un jour nouveau les tensions internes du régime Biya.


Les confidences recueillies par Jeune Afrique auprès des proches de l'ex-ministre sont édifiantes : "il n'était plus rare d'entendre le ministre pester en privé, notamment au sujet des politiques publiques mises en place dans son fief du Nord." Ces révélations montrent l'ampleur du fossé entre l'ancienne et la nouvelle garde.


Avec le départ de Tchiroma, c'est toute une génération de cadres qui se trouve en porte-à-faux avec la nouvelle configuration du pouvoir. À quatre mois de la présidentielle, cette fracture générationnelle pourrait redessiner les équilibres politiques du Cameroun, comme le suggèrent les enquêtes approfondies de Jeune Afrique sur les coulisses du pouvoir camerounais.