Actualités of Saturday, 20 September 2025

Source: www.camerounweb.com

Cameroun : l'opposition divisée face au défi de la candidature unique

Image illustrative Image illustrative

Entre appels à l'union et guerre des egos, les adversaires de Paul Biya peinent à trouver une stratégie commune

Yaoundé - À quelques jours du début officiel de la campagne présidentielle, la sempiternelle question de la candidature unique de l'opposition ressurgit dans le débat politique camerounais. Malgré les appels répétés à l'union face à Paul Biya, les divisions internes et les rivalités personnelles continuent de fragiliser cette stratégie théoriquement séduisante.


Paradoxalement, c'est depuis sa position de candidat évincé que Maurice Kamto a relancé le débat. Dans un communiqué viral du 18 septembre, le leader du MRC estime qu'une "dynamique populaire irrésistible" pourrait naître si "les onze candidats de l'opposition décidaient de se mettre tous derrière l'un d'entre eux, parmi les plus expérimentés politiquement et dans la gestion de l'État".
À défaut d'une union totale, Kamto évoque l'alternative d'une "coalition de plusieurs candidats de poids" capable de "susciter un grand espoir et déclencher une dynamique politique comparable". Cette proposition révèle autant l'urgence de la situation que la difficulté à la concrétiser.

Pour l'économiste Dieudonné Essomba, la solution ne réside pas dans le choix d'une personnalité mais dans l'élaboration d'un projet commun. "La seule stratégie qui peut battre Biya est l'agrégation des forces du changement autour d'un programme mobilisateur dans lequel chaque communauté au Cameroun se retrouve", analyse-t-il.

Cette approche programmatique pourrait théoriquement dépasser les querelles de leadership qui paralysent traditionnellement les tentatives d'union de l'opposition camerounaise.


Cependant, plusieurs analystes pointent des obstacles plus fondamentaux. Désiré Nyéla, professeur à l'université Sainte-Anne au Canada, soulève une question cruciale : "Les forces d'opposition parviendront-elles à s'entendre pour mutualiser les moyens afin d'avoir quelque contrôle que ce soit dans la surveillance du vote et à peser dans le processus de production des résultats ?"
Cette interrogation met en lumière un défi majeur : au-delà de l'union des candidatures, c'est la capacité à surveiller et contester le processus électoral qui pourrait s'avérer déterminante.


Du côté du pouvoir, le politologue Manassé Aboya, proche du RDPC, minimise l'impact potentiel d'une candidature unique. "Le tapage médiatique sur la candidature unique de l'opposition cache une difficulté réelle et évidente à renverser le président Paul Biya", affirme le doyen de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'université d'Ebolowa.


Il met en avant le "maillage territorial incontestable" du parti au pouvoir, suggérant que l'avantage organisationnel du RDPC dépasse largement les effets potentiels d'une union de l'opposition.


L'histoire récente du Cameroun ne plaide guère en faveur de l'efficacité de cette stratégie. Les tentatives passées, notamment en 1992 avec John Fru Ndi ou en 2004 avec Adamou Ndam Njoya, n'ont jamais permis de déloger Paul Biya du pouvoir.

Aristide Menguele, politologue à l'université de Douala, pointe du doigt cette "guerre d'ego" et ces "conflits d'intérêts" persistants entre leaders opposants qui risquent une fois de plus de "réduire à néant leurs chances de victoire".

Au-delà des considérations tactiques, la question de la candidature unique révèle les faiblesses structurelles de l'opposition camerounaise. Entre manque de moyens financiers, déficit organisationnel et rivalités personnelles, les obstacles à une union effective semblent nombreux.


La capacité des onze candidats de l'opposition à dépasser leurs différends dans les jours qui viennent pourrait déterminer non seulement l'issue du scrutin du 12 octobre, mais aussi l'avenir du pluralisme politique au Cameroun.
Reste à savoir si cette énième tentative d'union saura éviter les écueils du passé ou si l'histoire se répétera une fois de plus, laissant Paul Biya poursuivre son règne entamé il y a plus de quatre décennies.