Actualités of Monday, 6 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Cameroun - Maurice : Cyril Tollo écarté, mais 80 personnes dans la délégation

L'exclusion du controversé Cyril Tollo marque un tournant, mais la pléthorique délégation camerounaise interroge toujours sur la gouvernance du football national

Le ministère des Sports et de l'Éducation physique a tranché. Pour le déplacement crucial à Maurice, où les Lions Indomptables affrontent ce mercredi leur adversaire dans le cadre des éliminatoires, Cyril Tollo ne sera pas du voyage. Une décision saluée comme « un choix de la raison » par de nombreux observateurs, au regard des polémiques qui ont entouré le personnage ces dernières semaines. Mais derrière ce geste symbolique se cache une réalité qui tempère l'enthousiasme : la délégation camerounaise compte toujours près de 80 personnes.


L'exclusion de Cyril Tollo de la délégation représente indéniablement un pas en avant. L'homme, présent dans toutes les expéditions précédentes des Lions Indomptables, cristallisait les critiques d'une opinion publique lasse de voir graviter autour de l'équipe nationale des figures controversées, aux rôles flous et à la légitimité contestée.

Cette mise à l'écart témoigne que la pression médiatique porte ses fruits. Des médias comme RSI, qui ont multiplié les enquêtes et les interpellations sur la gestion de l'équipe nationale, peuvent se réjouir d'avoir été entendus. « La preuve que RSI a été écouté, que la voix des journalistes commence à porter », peut-on lire dans les colonnes du média qui a mené campagne pour l'assainissement de l'encadrement des Lions.

Le ministère des Sports présente cette décision comme le symbole d'une nouvelle ère, celle de la rationalisation et de la transparence dans la gestion de la sélection nationale. Un message clair envoyé à tous ceux qui gravitent autour de l'équipe sans justification sportive évidente.

Mais voilà : si Cyril Tollo n'est pas du voyage, la délégation camerounaise n'en demeure pas moins pléthorique. Près de 80 personnes accompagneront les Lions Indomptables à Maurice. Un chiffre qui interroge et relativise considérablement la portée du « grand ménage » annoncé.


Parmi ces accompagnateurs figurent notamment des « préparateurs psychologiques », fonction qui, en 2025, suscite l'étonnement, voire la suspicion. Ces profils, souvent confondus avec des conseillers mystiques ou des intermédiaires officieux, font régulièrement l'objet de questions dans les médias camerounais et au sein de la diaspora sportive.

Cette inflation de délégations n'est pas nouvelle dans le football camerounais. Elle s'inscrit dans une longue tradition où chaque grand déplacement des Lions Indomptables devient l'occasion d'un voyage pour de nombreux officiels, dont certains n'assistent même pas aux entraînements ou aux matchs.
Ces expéditions à géométrie variable coûtent cher aux finances publiques et à la Fecafoot. Billets d'avion, hébergement en hôtel, per diem, frais de restauration : la facture grimpe rapidement quand il s'agit de financer 80 personnes pour un déplacement dans l'océan Indien.

Au-delà de l'aspect financier, cette situation pose la question de l'efficacité opérationnelle. Comment une équipe peut-elle se concentrer sereinement sur un match crucial lorsqu'elle est entourée d'une telle foule ? Comment le staff technique peut-il travailler dans des conditions optimales quand il doit composer avec les demandes et les présences de dizaines de personnes non directement impliquées dans la préparation sportive ?

À titre de comparaison, les délégations des grandes nations africaines du football tournent généralement autour de 40 à 50 personnes pour des déplacements similaires. Le Sénégal, champion d'Afrique en titre, ou la Côte d'Ivoire, vainqueur de la dernière CAN, affichent des délégations nettement plus resserrées, centrées sur l'essentiel : joueurs, staff technique, staff médical, quelques officiels de la fédération et représentants institutionnels.
Les grandes équipes européennes, elles, ne dépassent que très rarement les 45 personnes lors de leurs déplacements pour les compétitions internationales. La France, championne du monde, ou l'Espagne, quadruple championne d'Europe, privilégient l'efficacité et la discrétion à l'opulence.
Cette différence d'approche n'est pas anodine. Elle reflète une philosophie de gestion : d'un côté, une logique de professionnalisation et d'optimisation des ressources ; de l'autre, la perpétuation de pratiques où le football devient un prétexte à des voyages officiels.

L'opinion publique camerounaise, très mobilisée sur les questions de bonne gouvernance du football national, ne se contente pas du départ de Cyril Tollo. Elle réclame un véritable « grand ménage », une refonte profonde des pratiques qui entourent l'équipe nationale.

Sur les réseaux sociaux, les supporters des Lions Indomptables expriment leur ras-le-bol. « On veut une délégation de professionnels, pas un cortège de touristes », peut-on lire sur les pages Facebook dédiées au football camerounais. « 80 personnes pour un match, c'est du gaspillage et de l'amateurisme », dénonce un autre internaute.

Les journalistes sportifs camerounais, en première ligne de cette bataille pour la transparence, pointent également du doigt l'absence de communication claire sur la composition exacte de ces délégations. Qui décide qui part ? Sur quels critères ? Avec quels budgets ? Autant de questions qui restent souvent sans réponse.

Au-delà des polémiques, cette question des délégations pléthoriques touche à la crédibilité du football camerounais sur la scène internationale. Comment le Cameroun, quintuple champion d'Afrique, peut-il prétendre rivaliser avec les meilleures nations du continent si sa gestion reste entachée de pratiques archaïques ?

Les partenaires financiers, sponsors et diffuseurs, observent avec attention ces questions de gouvernance. Dans un football africain de plus en plus professionnalisé, où les investissements privés se multiplient, l'image compte. Les investisseurs potentiels veulent des garanties de sérieux et de transparence.

Le ministère des Sports et de l'Éducation physique, qui a pris la décision d'écarter Cyril Tollo, se trouve désormais face à un défi : aller plus loin dans la rationalisation. L'exclusion de Tollo ne doit pas être qu'un coup médiatique destiné à calmer momentanément les critiques. Elle doit être le premier acte d'une réforme structurelle.

Cela implique de définir des critères clairs pour la composition des délégations, de plafonner les effectifs, de publier les listes nominatives et les fonctions de chaque accompagnateur, et de justifier publiquement les coûts engagés.

Le ministre dispose d'une opportunité historique : transformer l'indignation publique en levier de changement. Mais pour cela, il faudra bousculer des habitudes bien ancrées, défier des intérêts établis, et résister aux pressions de ceux qui bénéficient du système actuel.

L'absence de Cyril Tollo à Maurice est donc un signal positif. Elle prouve que la mobilisation de l'opinion et le travail des médias peuvent infléchir les décisions. Mais tant que les délégations camerounaises compteront 80 personnes pour un seul match, tant que les « préparateurs psychologiques » et autres accompagnateurs aux rôles mystérieux continueront de voyager aux frais du contribuable, le grand ménage tant réclamé n'aura pas vraiment eu lieu.