Selon des révélations exclusives de Jeune Afrique, la défection de deux poids lourds du Nord-Cameroun pourrait redessiner la carte électorale à quelques mois de la présidentielle d'octobre.
L'annonce de la candidature des ministres Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari à la présidentielle d'octobre marque un tournant majeur dans la géopolitique camerounaise. Cette double défection, révélée par Jeune Afrique, constitue la première brèche significative dans l'alliance traditionnelle entre le pouvoir central et les élites nordistes depuis des décennies.
Les deux hommes, figures emblématiques du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) et de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), ont officialisé leur rupture avec le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) en se déclarant candidats. Une décision qui, selon les sources de Jeune Afrique, était mûrie depuis plusieurs mois dans les coulisses du pouvoir.
Cette rupture sonne comme un camouflet pour Paul Biya, qui avait réussi pendant des années à maintenir sous son aile ces formations politiques influentes du Septentrion. La stratégie d'alliance, mise en place depuis les années 1990, permettait au RDPC de s'assurer un contrôle quasi-total des trois régions du Nord, de l'Adamaoua et de l'Extrême-Nord.
Face à cette crise, Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, a été dépêché en urgence pour tenter de limiter les dégâts. Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, le bras droit de Paul Biya multiplie les consultations avec les élus et responsables du Septentrion depuis le 1er juillet.
Lors de ces rencontres tenues au palais de l'Unité, Ngoh Ngoh a tenté de minimiser l'impact politique des deux défections. Il a notamment rappelé aux délégations nordistes que l'influence des partis de Tchiroma et Bouba Maïgari avait été "largement favorisée par le RDPC" et leur appartenance à la majorité présidentielle, révèle Jeune Afrique.
Conscient que la simple minimisation ne suffira pas, le secrétaire général de la présidence a également joué la carte des promesses concrètes. Les révélations de Jeune Afrique indiquent que Ferdinand Ngoh Ngoh a assuré aux élus de l'Adamaoua que leurs demandes d'infrastructures stratégiques seraient "prises en compte dans le programme du chef de l'État".
Plus significatif encore, le pouvoir envisagerait de lancer certains chantiers avant l'élection pour "remobiliser un électorat de plus en plus sensible aux sirènes de l'opposition", selon les indiscrétions recueillies par Jeune Afrique.
Cette défection nordiste constitue le premier véritable test pour la machine électorale du RDPC depuis l'émergence du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto. Elle intervient dans un contexte où l'opposition tente de se structurer autour d'un "front anti-Biya en gestation", comme l'a révélé Jeune Afrique.
La capacité du pouvoir à contenir cette hémorragie et à maintenir son influence dans le Septentrion sera déterminante pour l'issue du scrutin d'octobre. Car au-delà des enjeux locaux, cette crise révèle les fissures grandissantes d'un système politique vieux de plus de 40 ans.