L'ancien opposant farouche devenu ministre délégué à la Justice incarne le parcours controversé d'un transfuge politique
"J'étais égaré." Cette confession résume à elle seule le virage spectaculaire de Jean de Dieu Momo. Selon des révélations exclusives de Jeune Afrique, cet autrefois farouche opposant à Paul Biya est devenu l'un de ses plus ardents soutiens, au point d'occuper aujourd'hui un poste ministériel stratégique.
Le magazine panafricain rapporte que tout bascule lors de la campagne présidentielle d'octobre 2018. Contre toute attente, Jean de Dieu Momo décide de rallier le camp du président sortant Paul Biya. Celui qui menait la fronde au sein de l'opposition reconnaît alors s'être "trompé". "Je marchais avec des fous, comme Joe La Conscience, qui n'étaient même pas mes amis. Aujourd'hui, je suis éclairé", confie-t-il à Jeune Afrique.
Cette volte-face spectaculaire implique pour Momo de renier publiquement ses vidéos accusatrices et ses chansons virulentes contre le régime. Un reniement qui lui ouvre les portes du pouvoir.
Jeune Afrique révèle qu'après la réélection de Paul Biya, Jean de Dieu Momo, qui n'était qu'un "simple avocat", devient ministre délégué auprès du ministre de la Justice, Laurent Esso. Cette nomination intervient dans un gouvernement soucieux d'intégrer quelques visages venus de l'opposition pour donner l'illusion d'une ouverture politique.
Le magazine souligne le caractère hautement symbolique de cette nomination : Jean de Dieu Momo récupère le poste jadis occupé par un autre fils de l'Ouest, Maurice Kamto, passé à l'opposition après avoir quitté le gouvernement pour fonder le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) et défier Paul Biya en 2018.
Le contraste est saisissant. Jeune Afrique rappelle que Jean de Dieu Momo fut lui-même candidat à la présidentielle de 2011, promettant alors de "libérer le Cameroun de la peur et de la résignation". Un virage à 180 degrés pour celui qui incarne aujourd'hui la fidélité au régime.
Interrogé sur une éventuelle démission à l'approche de la présidentielle du 12 octobre, comme l'avait fait Maurice Kamto avant lui, Jean de Dieu Momo balaie l'hypothèse d'un revers de main. "Démissionner ? Est-ce que le peuple va me laisser faire ?", lance-t-il, mi-ironique, mi-provocateur, rapporte le magazine panafricain.
Jeune Afrique décrit comment Jean de Dieu Momo s'est imposé comme l'un des plus zélés défenseurs de Paul Biya, enchaînant tournées politiques, prises de parole médiatiques et déclarations de loyauté. Le ministre délégué assume pleinement son revirement politique, allant jusqu'à justifier son choix lors d'un meeting en 2018 en ces termes : "J'ai choisi de soutenir le candidat Biya qui est déjà aux affaires, qui a déjà l'armée (...). C'est la meilleure décision de ma vie !"
Cette fidélité affichée a permis à Jean de Dieu Momo de prendre la tête du G20, une coalition de petits partis pro-Biya qu'il a relancée et revitalisée par son activisme, révèle Jeune Afrique.
Le parcours de Jean de Dieu Momo ne fait pas l'unanimité. Selon le magazine, David Lobe, cadre de l'Union des mouvements socialistes (UMS) de Pierre Kwemo, qualifie les membres du G20 de "boutiquiers politiques", sous-entendant qu'ils troquent leurs convictions contre des postes ministériels ou des avantages politiques.
Face à ces accusations, Jean de Dieu Momo se défend en invoquant la construction nationale. "Ceux qui me critiquent finiront par comprendre. On ne construit pas un pays dans la haine, mais dans la fidélité à ses institutions", a-t-il récemment écrit, rapporte Jeune Afrique.
Son parcours illustre la capacité du régime Biya à coopter des figures de l'opposition et à les transformer en porte-voix du système, offrant ainsi au pouvoir la vitrine d'une ouverture politique tout en maintenant son contrôle sur l'appareil d'État.