Actualités of Tuesday, 21 October 2025

Source: www.camerounweb.com

Cameroun : Gagan Gupta lorgne la Cicam, plombée par 35 milliards de FCFA de dettes

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Jeune Afrique révèle que l'investisseur indien négocie avec l'État pour restructurer l'entreprise textile publique et dupliquer le modèle béninois de Glo-Djigbé


Après le textile au Bénin, Gagan Gupta compte reproduire la même recette au Cameroun. Jeune Afrique révèle en exclusivité que l'investisseur indien, déjà très actif dans la zone portuaire de Douala, a jeté son dévolu sur la Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam), entreprise publique en grande difficulté financière. Des négociations seraient en cours avec l'État pour une prise de participation qui permettrait de redresser cette société stratégique.


Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, la Cicam, spécialisée dans la confection et la commercialisation de produits textiles, croule sous une dette colossale de 35 milliards de F CFA fin 2024. Cette situation financière catastrophique met en péril une entreprise qui dispose pourtant d'atouts majeurs : deux usines implantées dans le nord du pays, à proximité immédiate des zones de production cotonnière.
"Mal en point financièrement et plombée par une dette qui s'élevait à 35 milliards de F CFA fin 2024, cette entreprise publique dispose cependant d'un atout avec deux usines implantées dans le nord du pays, à proximité de la zone de production de l'or blanc", confie à Jeune Afrique un haut fonctionnaire connaisseur du dossier.


Jeune Afrique a appris qu'Arise Integrated Industrial Platforms (Arise IIP), l'une des entités de Gagan Gupta, "entend dupliquer l'expérience réussie dans le textile de la zone industrielle béninoise de Glo-Djigbé (GDIZ)", selon les termes d'un responsable de la haute fonction publique camerounaise.
Le schéma est clair : transformer localement le coton camerounais et tchadien pour répondre à la stratégie gouvernementale d'import-substitution. Nos sources révèlent que la matière première viendrait de deux fournisseurs privilégiés : la camerounaise Sodecoton et CotonTchad, créant ainsi une filière régionale intégrée.


Cette stratégie s'inscrit dans le cadre plus large des projets d'Arise au Cameroun, avec notamment la création de la Société camerounaise de textile (Cam Tex) qui doit être implantée dans la future zone industrielle de Dibamba (DDIP).


Jeune Afrique a pu établir que la situation de la Cicam représente paradoxalement "une aubaine pour Arise IIP qui pourrait la restructurer et contribuer à sa remise à flot financière si les négociations avec l'État aboutissent", selon notre source gouvernementale.

La proximité géographique des usines de la Cicam avec les zones de production cotonnière constitue un avantage logistique majeur. Cette configuration permettrait de réduire considérablement les coûts de transport de la matière première et d'optimiser la chaîne de valeur textile du nord au sud du pays.


L'intérêt de Gagan Gupta pour la Cicam s'inscrit dans une offensive tous azimuts de l'investisseur indien au Cameroun. Les révélations de Jeune Afrique montrent qu'au-delà du textile, le milliardaire indien développe des projets dans la logistique portuaire, l'industrie, et même les mines, à travers sa participation majoritaire (54%) dans Canyon Resources qui exploite la bauxite de Minim-Martap.
Cette approche multi-sectorielle permet à Arise de créer des synergies entre ses différentes activités : le coton transformé à Dibamba pourrait être exporté via le futur terminal logistique qu'Arise doit construire dans la même zone, tandis que les produits finis de la Cicam restructurée pourraient alimenter les marchés régionaux.

Jeune Afrique révèle que la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), organisme public de sécurité sociale piloté par Alain Noël Olivier Mekulu Mvondo, a rejoint le 11 septembre dernier le tour de table de plusieurs projets d'Arise au Cameroun. Cette participation de l'organisme public valide la stratégie de l'investisseur indien et facilite ses négociations avec l'État.
Le fait que la CNPS soit actionnaire à hauteur de 4% d'Afreximbank, elle-même présente au capital d'Arise via le Fonds pour le développement des exportations en Afrique (Feda), a créé un réseau d'intérêts convergents qui renforce la position de Gagan Gupta dans le pays.


Au-delà de la restructuration de la Cicam, les projets textiles d'Arise s'inscrivent dans un programme plus vaste. Selon les informations de Jeune Afrique, l'ensemble des projets camerounais de Gagan Gupta, chiffrés à 350 millions d'euros, doit générer plus de 50 000 emplois directs et indirects.
Dans le secteur textile spécifiquement, la relance de la Cicam combinée au développement de Cam Tex pourrait créer plusieurs milliers de postes dans une filière qui a connu des années de déclin au Cameroun.


Les autorités camerounaises se trouvent désormais face à une décision cruciale : laisser péricliter davantage la Cicam ou accepter l'entrée d'un investisseur étranger dans une entreprise publique symbolique. Jeune Afrique a appris que les négociations portent sur les modalités de cette restructuration, Arise IIP proposant un plan de redressement qui passerait par une prise de participation au capital.


Pour l'État, l'enjeu est double : sauver des emplois et une filière stratégique, tout en préservant une certaine souveraineté industrielle. Le dossier de la Cicam pourrait constituer un test grandeur nature de la volonté gouvernementale de s'appuyer sur des investisseurs privés étrangers pour redresser ses entreprises publiques défaillantes.


Les prochaines semaines seront décisives pour l'avenir de la Cicam et, plus largement, pour la stratégie textile du Cameroun.