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Actualités of Saturday, 15 October 2022

Source: www.camerounweb.com

Cameroun : De l'eau dans le gaz

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En ce temps de grande pénurie, des consommateurs signalent de plus en plus des cas d'arnaque dont ils font l'objet. Les auteurs de ces manœuvres, selon des juristes, s'exposent à des peines privatives de liberté.

La question du gaz domestique enflamme la capitale. Outre la pénurie qui impose un tourisme dans la ville maux sept collines aux consommateurs qui recherchent le précieux produit, s'ajoutent d'ores et déjà une autre plainte. « Des bouteilles à gaz sont remplies d'eau » , indique des consommateurs qui dénoncent l'arnaque. Assurément, des distributeurs multiplient des astuces pour se faire plus d'argent. J'ai fait appel à un moto taximan pour m'acheter du gaz. Seulement, lorsqu'on a fixé la bouteille, la flamme ne montait pas. « J'ai acheté une nouvelle plaque, croyant que la première était défectueuse. Le conducteur de moto qui n'accompagnait a finalement constaté que la bouteille à gaz était un peu plus lourde que d'habitude. Lorsqu'on l'a ouverte, elle était pleine d'eau » , raconte Bruno Mbarga, un résident du quartier Efoulan.

Comme Bruno M., des témoignages fusent. « Je m'en suis douté parce qu'habituellement ma bouteille de gaz fait trois voire quatre mois. Et donc au bout d'à peine deux semaines d'utilisation, ma plaque ne produisait plus de flamme. Après plusieurs essais, je secoue ma bouteille mais bizarrement, elle contient du liquide. Alors j'interpelle mon voisin et on décide ensemble de l'ouvrir. Lorsqu'il la penche, effectivement c'est de l'eau qui coule. Je ne suis pas retournée chez le vendeur parce que c'était déjà deux semaines plus tard. J'ai simplement décidé de ne plus en acheter dans ce conteneur qui continue néanmoins de fonctionner et je déconseille également quand je peux » , révèle Danielle Eyenga. Ces cas ne sont nullement isolés. Si Danielle a pu utiliser son gaz domestique pendant deux semaines, Joël Eba, habitant du quartier Santa Barbara, lui, n'aura qu'une semaine pour constater que le reste du liquide dans sa bouteille est de l'eau. Sainclair Awaundza, habitant du quartier Awae Escalier, quant à lui, aura un moment d'utilisation plus réduit pour s en rendre compte. « Ma bouteille de gaz « Tradex » n'a fait que quatre jours puis a cessé d'alimenter la plaque et fumait beaucoup. Quand je me suis plaint auprès du vendeur, il m'a fait comprendre que c'était du gaz brut et que tout allait revenir à la normale. Seulement, au retour d'un voyage que j'avais effectué, je me rends compte que le dessous et les abords de la bouteille sont mouillés et que le tuyau suintait à un certain niveau. C'est là que je fais appel à mon voisin et ensemble nous avons ouvert la bouteille qui contenait effectivement de l'eau » , relate-il.

Si la plupart des vendeurs de gaz dans les conteneurs nient la possibilité de la présence d'eau dans des bouteilles de gaz domestique, certains reconnaissent néanmoins avoir reçu des clients venus se plaindre à ce sujet. « Ily a environ trois semaines, une cliente est revenue avec sa bouteille me disant qu'elle contenait de l'eau. J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'une farce. Mais quand elle a déversé le liquide,c'était vraiment de l'eau. Cette scène était une première pour moi » , confie Martin A., revendeur de gaz domestique.
Dans la même veine, un autre vendeur de Biyem-Assi Lac reconnaît avoir vécu une scène pareille la dernière fois qu'il a changé de livreur, car son offre était alléchante. « Il livrait des bouteilles avec 500 Fcfa de réduction. Je suis commerçant et je ne pouvais passer à côté de cela. A la première livraison, je n'ai eu aucune plainte des clientes. C'est à la deuxième que j'ai reçu des clients m'indiquant que leur gaz ne met pas long. Quand je l'ai fait remarquer à ce livreur, il a rompu le contact et ne m'a plus jamais livré » , raconte-t-il avant de rajouter, « Aujourd'hui je sais qu'il existe des bouteilles de gaz qui contiennent de l'eau. Mais je reste ignorant de la manière dont on procède pour l'introduire, et même à quel moment cela se fait » .

Risque

Selon Lamine Himbe, expert en Mines, les risques majeurs de cette contrefaçon du gaz domestique restent l'inefficacité et l'arnaque dont sont victimes les usagers. « Il n'y a en principe pas de risques majeurs auxquels les consommateurs sont exposés. En dehors de l'arnaque dont ils sont victimes et de l'absence d'efficacité. C'est comme si vous ajoutiez de l'eau dans du pétrole domestique. Il y a juste une baisse d'efficacité et cela peut produire plus de fumée aussi. Cela dit, il y a toujours un peu d'eau dans le gaz butane » , explique-t-il. Il est essentiel de se procurer du gaz dans des stations-service pour éviter toute mauvaise surprise car dans des dépôts de gaz, des commerçants peuvent être véreux et donc user de méthodes et astuces pour arrondir leurs bénéfices, conseille-t-il.

Approchée, la Coalition des consommateurs camerounais dit n'avoir pas encore reçu de plainte relative à ce sujet. « Pour le problème spécifique de l'eau dans du gaz domestique, nous n'avons pas encore reçu de plaintes par rapport. Toutefois, la qualité des bouteilles et la quantité réduite ont déjà été signalées » signale le président de la Coalition des consommateurs camerounais, Prince Mpondo.

Emprisonnement

Sur le plan juridique, le siphonage des bouteilles de gaz n'est pas sans conséquences. Ce siphonage est une attitude infractionnelle qui, sur le plan pénal renvoie à des infractions bien précises. « Il y a deux articles qui peuvent être utilisés pour les personnes qui vont être poursuivies.
Il s'agit d'une part de l'article 228 du Code pénal qui parle d'activités dangereuses. Selon cet article, est puni d'un emprisonnement de six jours à six mois celui qui ne prend pas les précautions nécessaires pour éviter à autrui des dommages corporels pouvant résulter de son activité dange-reuse. D'autre part on a l'article 229 du même Code pénal qui parle de substances explosives. Il stipule que: est puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 2000 à 100 000Fcfa ou de l'une de ces deux peines seu-lement, celui qui enfreint la réglementation concernant la fabrication, la conservation, le transport, l'exportation et le commerce des substances explosives. Etant donné que le gaz est une substance explosive, l'infraction est incriminée par l'article 229 du Code pénal. Voilà ce que la loi prévoit dans de pareilles circonstances, pour ceux qui se mêlent à de telles activités »
, explique Me Joseph Kenmoue, avocat.