Actualités of Friday, 12 December 2025

Source: www.camerounweb.com

Cabinet civil de Paul Biya : comment Ferdinand Ngoh Ngoh veut neutraliser Mvondo Ayolo et Baboke

Le cabinet civil de la présidence de la République, véritable sanctuaire du pouvoir camerounais, est dans le viseur de Ferdinand Ngoh Ngoh. Selon les révélations explosives de Jeune Afrique, le secrétaire général de la présidence a décidé de frapper au cœur même du dispositif présidentiel en prévoyant le départ de Samuel Mvondo Ayolo, directeur du cabinet civil, et la mutation d'Oswald Baboke, son adjoint. Une offensive d'une rare audace qui vise à contrôler totalement l'accès au président Paul Biya.



Pour comprendre l'importance stratégique de cette offensive, il faut d'abord saisir le rôle du cabinet civil dans l'architecture du pouvoir camerounais. Cette structure, distincte du secrétariat général de la présidence dirigé par Ferdinand Ngoh Ngoh, constitue l'interface directe entre le président Paul Biya et l'ensemble de l'appareil d'État.

Le cabinet civil gère l'agenda présidentiel, filtre les audiences, traite le courrier adressé au chef de l'État, et coordonne les relations avec les différentes institutions. Son directeur, Samuel Mvondo Ayolo, et son adjoint, Oswald Baboke, disposent donc d'un pouvoir considérable : celui de décider qui voit le président et quand. Dans un système où l'accès à Paul Biya détermine souvent l'issue des luttes de pouvoir, contrôler le cabinet civil équivaut à contrôler les clés du royaume.


Jeune Afrique révèle que "le réaménagement concerne aussi le cabinet civil de Paul Biya". Cette information, apparemment technique, cache en réalité une bataille féroce pour le contrôle total de la présidence. Car si Ferdinand Ngoh Ngoh parvient à placer ses hommes à la direction du cabinet civil, plus aucun contre-pouvoir ne subsistera dans l'entourage immédiat du président.




Samuel Mvondo Ayolo n'est pas un inconnu dans les arcanes du pouvoir camerounais. Proche collaborateur de Paul Biya depuis des décennies, il a gravi tous les échelons avant d'accéder à la direction du cabinet civil. Son influence réelle dépasse largement ses attributions officielles. C'est lui qui, selon plusieurs sources concordantes, a notamment facilité l'évacuation sanitaire tardive de Laurent Esso, ministre de la Justice, vers l'Europe pour soins médicaux, après que l'autorisation présidentielle ait été dans un premier temps refusée.



Cette anecdote, mentionnée dans l'enquête plus large sur les luttes de pouvoir à Yaoundé, illustre parfaitement la capacité d'influence de Mvondo Ayolo. Le fait qu'il ait pu intervenir pour débloquer une situation délicate montre qu'il dispose de canaux d'accès directs au président, canaux qui échappent au contrôle de Ferdinand Ngoh Ngoh. Une situation intolérable pour le secrétaire général qui a bâti son pouvoir sur le monopole de l'intermédiation avec Paul Biya.



Jeune Afrique révèle que Ferdinand Ngoh Ngoh "envisage le départ" de Samuel Mvondo Ayolo. Le verbe "envisager" traduit bien l'ampleur du défi : contrairement à un ministre ordinaire que le secrétaire général peut faire limoger par simple "haute instruction", le directeur du cabinet civil relève d'une autre logique. Il faudra convaincre Paul Biya lui-même de se séparer d'un collaborateur qui le sert au quotidien et en qui il a manifestement confiance.



Pour réussir cette opération délicate, Jeune Afrique révèle que Ferdinand Ngoh Ngoh a déjà identifié le successeur de Mvondo Ayolo : André Magnus Ekoumou, actuel ambassadeur du Cameroun en France. Ce choix n'est pas anodin. L'ambassade de France est l'un des postes diplomatiques les plus prestigieux et les plus stratégiques pour le Cameroun, compte tenu des liens historiques et économiques entre les deux pays.


En rappelant Ekoumou de Paris pour le placer à la tête du cabinet civil, Ngoh Ngoh accomplirait plusieurs objectifs simultanés. D'abord, il installerait à ce poste crucial un homme qui lui doit sa nomination et qui lui sera donc redevable. Ensuite, il enverrait un signal fort à l'ensemble de l'administration : même les ambassadeurs en poste dans les capitales les plus importantes peuvent être rappelés et redéployés selon les besoins du secrétaire général.
Enfin, et c'est peut-être le plus important, Ngoh Ngoh neutraliserait ainsi l'un des derniers espaces d'autonomie dans l'entourage présidentiel. Avec un directeur du cabinet civil à sa main, plus rien ne se ferait à la présidence sans son accord explicite. Les audiences, le courrier, les dossiers soumis au président : tout passerait sous son contrôle.




Mais l'offensive de Ferdinand Ngoh Ngoh ne se limite pas au sommet du cabinet civil. Jeune Afrique révèle une information tout aussi significative : le secrétaire général "prévoit de muter le directeur adjoint du cabinet civil, l'influent Oswald Baboke, devenu trop indépendant à son goût". Cette formulation est particulièrement révélatrice des critères qui guident Ngoh Ngoh.
Le qualificatif "trop indépendant" résume à lui seul toute la philosophie du secrétaire général en matière de gestion des hommes. Dans le système Ngoh Ngoh tel que décrit par Jeune Afrique à travers son enquête sur le prochain remaniement, l'indépendance d'esprit n'est pas une qualité mais un défaut rédhibitoire. Les collaborateurs doivent être loyaux, dociles et prévisibles. Toute velléité d'autonomie est perçue comme une menace potentielle.
Oswald Baboke, décrit comme "influent" par Jeune Afrique, a manifestement commis le péché d'exercer ses fonctions avec une marge d'initiative que Ferdinand Ngoh Ngoh juge excessive. On peut supposer que, comme son supérieur Samuel Mvondo Ayolo, Baboke a développé des relations directes avec Paul Biya qui ne passent pas systématiquement par le filtre du secrétaire général. Dans un système où Ngoh Ngoh a fait du monopole de l'accès au président son principal levier de pouvoir, cette situation est inacceptable.



Le terme "muter" employé par Jeune Afrique suggère que Baboke ne serait pas purement et simplement limogé, mais plutôt affecté à un autre poste, probablement moins stratégique. Une manière élégante de l'éloigner du centre de décision sans créer de scandale. Cette méthode, typique de la gestion politique camerounaise, permet de neutraliser un adversaire tout en évitant de le transformer en martyr susceptible de mobiliser des soutiens.


L'offensive contre le cabinet civil révélée par Jeune Afrique doit être replacée dans le contexte plus large de la purge gouvernementale planifiée par Ferdinand Ngoh Ngoh. Le magazine indique en effet que le secrétaire général vise également Laurent Esso (ministre de la Justice), René Emmanuel Sadi (ministre de la Communication), Paul Atanga Nji (ministre de l'Administration territoriale) et Martin Mbarga Nguélé (délégué général à la Sûreté nationale).
Ce qui frappe dans cette liste, c'est la cohérence stratégique. Ngoh Ngoh ne s'attaque pas à des ministres techniques ou secondaires, mais aux détenteurs des leviers de pouvoir réels : la Justice (qui peut poursuivre ou protéger), la Communication (qui contrôle le narratif public), l'Administration territoriale (qui quadrille le territoire), la Police (qui dispose de la force et de l'information), et maintenant le Cabinet civil (qui contrôle l'accès au président).


En neutralisant simultanément tous ces centres de pouvoir, Ferdinand Ngoh Ngoh vise à créer un système totalement centralisé où toutes les décisions, toutes les nominations, tous les arbitrages passent par lui. Le Cameroun passerait ainsi d'un régime présidentiel à un système où le secrétaire général deviendrait le véritable chef de l'exécutif, le président Paul Biya n'intervenant plus que pour valider formellement les décisions prises en son nom.


Cependant, Jeune Afrique formule une réserve cruciale qui s'applique aussi bien au cabinet civil qu'aux autres postes visés : "Paul Biya acceptera-t-il toutes ces propositions alors que Ferdinand Ngoh Ngoh reste contesté ?" Cette question n'est pas rhétorique. Elle souligne la principale faiblesse de la stratégie de Ngoh Ngoh : tout dépend en définitive de la volonté d'un homme de 92 ans dont personne ne connaît vraiment les intentions.


Pour le cabinet civil spécifiquement, l'obstacle est d'autant plus grand que Paul Biya travaille quotidiennement avec Samuel Mvondo Ayolo et Oswald Baboke. Contrairement aux ministres qu'il ne voit que rarement, les membres du cabinet civil sont en contact permanent avec le président. Ils gèrent son emploi du temps, préparent ses dossiers, organisent ses déplacements. Cette proximité crée nécessairement des liens de confiance que même Ferdinand Ngoh Ngoh ne peut briser facilement.


De plus, Paul Biya pourrait se montrer réticent à l'idée de confier le cabinet civil à un homme de Ngoh Ngoh. Le président, malgré son grand âge, n'a pas forcément intérêt à ce que son secrétaire général contrôle totalement son entourage. Maintenir une certaine concurrence entre le secrétariat général et le cabinet civil peut être vu comme une stratégie de préservation de son pouvoir de décision final.


L'histoire récente du Cameroun montre que les tentatives de Ferdinand Ngoh Ngoh pour étendre son contrôle ne réussissent pas toujours. Jeune Afrique rapporte notamment l'échec cuisant du secrétaire général face à Adolphe Moudiki, administrateur-directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH). Ngoh Ngoh avait obtenu de Paul Biya un décret présidentiel visant à remplacer le doyen du conseil d'administration de la SNH, mais Moudiki a purement et simplement "jeté ce décret à la poubelle", selon l'expression de Jeune Afrique.
Plus révélateur encore, le magazine indique que "pour oser ainsi jeter un décret à la poubelle, Moudiki agit avec l'assentiment de Paul Biya". Cette analyse suggère que le président lui-même maintient des zones de pouvoir intouchables et des fidèles que même Ngoh Ngoh ne peut atteindre. Samuel Mvondo Ayolo et Oswald Baboke appartiennent peut-être à cette catégorie de collaborateurs protégés.
Un autre échec récent concerne la télévision nationale (CRTV). Jeune Afrique révèle que Ngoh Ngoh avait obtenu de Paul Biya le remplacement de Charles Ndongo, directeur général de la CRTV, par George Ewane, un éditorialiste débauché pour en faire conseiller technique à la présidence. Mais René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication et président du conseil d'administration de la CRTV, a "court-circuité le projet". Si un simple ministre peut bloquer une décision validée par le président, à plus forte raison le directeur du cabinet civil pourrait-il résister.


Au-delà des personnalités concernées, la bataille pour le contrôle du cabinet civil révélée par Jeune Afrique pose une question fondamentale sur la nature du pouvoir au Cameroun. Si Ferdinand Ngoh Ngoh réussit à placer ses hommes à la tête de cette structure, cela signifierait que le Cameroun bascule définitivement dans un système où le secrétaire général exerce la réalité du pouvoir, le président n'étant plus qu'une figure symbolique dont on invoque l'autorité pour légitimer les décisions.


Cette configuration pose problème dans la perspective de la succession de Paul Biya. Un système entièrement contrôlé par Ngoh Ngoh, sans aucun contre-pouvoir, pourrait faciliter une transition vers un régime où le secrétaire général lui-même deviendrait président. Mais elle pourrait aussi provoquer une réaction violente des forces politiques marginalisées une fois que l'autorité de Paul Biya ne sera plus là pour arbitrer.


Jeune Afrique indique que le remaniement ministériel est "toujours attendu depuis la réélection contestée" de Paul Biya lors de la présidentielle du 12 octobre 2025. Ce délai de deux mois sans gouvernement remanié peut s'interpréter de plusieurs façons. Soit Paul Biya hésite encore sur les propositions de Ngoh Ngoh et prend son temps pour la décision. Soit le président est physiquement diminué et les arbitrages sont ralentis. Soit encore, des résistances s'organisent en coulisses contre les plans du secrétaire général.
Pour Samuel Mvondo Ayolo et Oswald Baboke, ce délai est peut-être une opportunité de mobiliser des soutiens et de convaincre Paul Biya de les maintenir. Leur atout principal : le président les voit quotidiennement et peut constater par lui-même leur efficacité et leur loyauté. Ferdinand Ngoh Ngoh, aussi puissant soit-il, ne peut effacer cette réalité.


Certains observateurs, face aux révélations de Jeune Afrique sur l'ampleur de la purge envisagée par Ferdinand Ngoh Ngoh, n'hésitent pas à parler de "coup d'État administratif". L'expression peut paraître excessive, mais elle traduit la réalité d'une prise de contrôle systématique de tous les leviers du pouvoir par un homme non élu, qui tire sa légitimité uniquement de sa proximité avec un président nonagénaire.
Le projet de neutraliser le cabinet civil, en particulier, franchit un seuil symbolique important. Car si le secrétariat général de la présidence est conçu pour assister le président dans l'exercice de ses fonctions, le cabinet civil relève de la sphère personnelle du chef de l'État. Y placer des hommes de Ngoh Ngoh reviendrait à priver Paul Biya de tout espace d'autonomie dans son propre palais.


Les révélations de Jeune Afrique sur les projets de Ferdinand Ngoh Ngoh concernant le cabinet civil dessinent les contours d'une bataille à haut risque. Le secrétaire général joue gros : s'il réussit à imposer André Magnus Ekoumou et à évincer Oswald Baboke, il contrôlera totalement la présidence. Mais s'il échoue, cet échec révélera publiquement les limites de son pouvoir et encouragera ses adversaires à intensifier leur résistance.

Pour Samuel Mvondo Ayolo et Oswald Baboke, l'enjeu est tout aussi crucial : il s'agit de leur survie politique. Leur meilleure chance réside dans leur proximité quotidienne avec Paul Biya et dans le fait que le président pourrait hésiter à confier son cabinet civil à des hommes de Ngoh Ngoh. Mais face à un secrétaire général qui, selon Jeune Afrique, a obtenu carte blanche pour le remaniement après son entretien du 7 décembre avec le président, leurs chances semblent minces.

Dans les prochaines semaines, le Cameroun saura si Ferdinand Ngoh Ngoh est parvenu à parachever sa prise de contrôle totale de l'État en neutralisant le dernier bastion d'autonomie au cœur même de la présidence. Les révélations de Jeune Afrique ont levé le voile sur cette bataille décisive qui se joue loin des caméras, dans les couloirs feutrés du palais d'Etoudi, et dont l'issue déterminera la nature même du régime camerounais pour les années à venir.