Actualités of Monday, 8 December 2025
Source: www.camerounweb.com
Du contrôle total des réseaux sociaux à la centralisation de la parole : les méthodes radicales du stratège d'Issa Tchiroma Bakary
Dans les coulisses de la campagne présidentielle camerounaise d'octobre 2025, un homme a orchestré une transformation sans précédent de la communication politique de l'opposition. Chrislan Maneng's, entrepreneur et consultant en communication, a imposé des méthodes inédites qui ont redéfini les codes de la bataille pour le pouvoir au Cameroun.
Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique, Chrislan Maneng's a bâti sa stratégie sur une approche novatrice : l'analyse systématique des commentaires des Camerounais sur les réseaux sociaux. Titulaire de diplômes en relations publiques, en marketing et en résolution de conflits, ce communicant discret a compris que la clé du succès résidait dans la capacité à cerner les attentes populaires en temps réel.
"Pour construire le discours et les interventions de Tchiroma, Chrislan Maneng's affirme lire les commentaires des Camerounais sur les réseaux sociaux, ainsi que des publications d'autres communicants", rapporte Jeune Afrique. Cette veille permanente lui a permis d'ajuster en continu le message de son candidat, transformant Issa Tchiroma Bakary, longtemps perçu comme l'une des figures les plus impopulaires du Cameroun, en principal challenger de Paul Biya.
Jeune Afrique dévoile également la stratégie de contrôle total mise en place par Maneng's. Alors que la campagne disposait initialement de plusieurs porte-parole intervenant sur les plateaux télévisés, le communicant a progressivement écarté tous les intervenants secondaires, jugeant leurs prises de parole trop hasardeuses.
Parmi les victimes de cette purge communicationnelle figure Jean-Moïse Mbog, cadre du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC). Selon une source proche de la campagne citée par Jeune Afrique, "certains allaient un peu en freestyle". Le cas Mbog illustre parfaitement cette dérive : ce dernier aurait discuté de son propre chef avec Grégoire Owona, ministre du Travail et vice-secrétaire général du RDPC au pouvoir, une initiative non autorisée qui lui a valu son éviction immédiate.
La mainmise de Chrislan Maneng's sur la communication du FSNC s'est officialisée le 19 octobre 2025. Jeune Afrique révèle qu'à cette date, Issa Tchiroma Bakary a révoqué tous les mandats accordés aux communicants pour les interventions médiatiques, confiant l'exclusivité de sa parole publique à Maneng's. Une centralisation absolue qui fait de lui le seul filtre entre le candidat de l'opposition et l'opinion publique.
Cette stratégie de contrôle vertical tranche radicalement avec les pratiques habituelles des partis politiques camerounais, où la multiplication des porte-parole traduit souvent les rapports de force internes. En concentrant toute la communication entre ses mains, Maneng's a non seulement unifié le message, mais s'est également imposé comme un acteur incontournable de l'appareil politique.
Au-delà de la communication pure, Jeune Afrique souligne que Chrislan Maneng's a joué un rôle décisif dans les choix stratégiques majeurs de la campagne. C'est notamment lui qui aurait convaincu Issa Tchiroma Bakary de renoncer à une alliance avec Bello Bouba Maïgari, autre candidat à la présidentielle, dont les négociations s'enlisaient.
"Est-ce grâce à cela qu'il a compris qu'Issa Tchiroma Bakary ne devait pas s'embarquer dans une alliance avec Bello Bouba Maïgari ? Alors que les discussions avec ce dernier s'enlisaient, il est devenu partisan du cavalier seul de son favori", s'interroge Jeune Afrique. Une décision qui a contribué à la marginalisation de Maïgari, lequel n'a obtenu qu'un score anecdotique lors du scrutin.
Ironie du sort, le succès même de Maneng's a fini par le mettre en danger. Jeune Afrique révèle que le communicant a été contraint de quitter le Cameroun après la présidentielle, face à des menaces d'arrestation. Selon les informations du magazine panafricain, Maneng's aurait été averti de son interpellation imminente dans le cadre de la vague de répression qui a frappé l'opposition après la proclamation de victoire de Tchiroma Bakary.
Initialement invité à se rendre à Garoua pour échapper aux autorités, il a préféré temporiser en raison de la scolarisation de sa fille à Yaoundé. Mais sa sortie du territoire témoigne de son réseau d'influence : Jeune Afrique rapporte qu'il "est parvenu, grâce au concours de plusieurs chancelleries et de contacts aux Nations unies et à l'Union européenne, à sortir du Cameroun par un vol privé, via le Nigeria, destination l'Europe".
Depuis l'Europe, Chrislan Maneng's continue d'orchestrer la stratégie communicationnelle d'Issa Tchiroma Bakary, désormais en exil gambien. Jeune Afrique précise que le duo travaille à "garder en vie la mobilisation citoyenne" en faveur de l'opposant, notamment à travers l'organisation d'opérations "villes mortes" au Cameroun.
Cette continuité dans l'action, malgré l'exil, démontre la transformation du métier de communicant politique en Afrique centrale. Plus qu'un simple porte-parole ou un conseiller en image, Maneng's incarne une nouvelle génération de stratèges capables de maintenir une pression politique à distance, en s'appuyant sur les outils numériques et les réseaux internationaux.
L'expérience de Chrislan Maneng's pourrait bien inspirer d'autres oppositions africaines confrontées à des régimes installés depuis des décennies. Sa méthode mêle analyse fine des réseaux sociaux, discipline de communication militaire et activation de réseaux internationaux pour protéger les cadres exposés.
Reste à savoir si cette stratégie suffira à maintenir la pression sur le régime de Paul Biya. Car si Maneng's a réussi à transformer l'image d'Issa Tchiroma Bakary et à unifier sa communication, le défi ultime demeure : convertir cette influence numérique et médiatique en victoire politique réelle, face à un pouvoir qui contrôle l'ensemble des institutions depuis 42 ans.
L'histoire de ce communicant de l'ombre illustre en tout cas une évolution profonde : au Cameroun comme ailleurs en Afrique, les batailles politiques se gagnent désormais autant sur les réseaux sociaux et dans les salles de rédaction que dans les urnes.