Dans un communiqué daté du 9 octobre, le Syndicat des Enseignants du Cameroun pour l'Afrique (SECA) a officiellement appelé à voter massivement pour le candidat du FSNC. Une prise de position rare qui pèse à 72 heures du scrutin.
C'est un soutien qui pourrait faire basculer une partie de l'électorat enseignant. Réuni en session extraordinaire à Bafoussam, le Bureau Exécutif National (BEN) du Syndicat des Enseignants du Cameroun pour l'Afrique (SECA) a tranché : parmi tous les candidats en lice pour la présidentielle du 12 octobre, seul Issa Tchiroma Bakary "sort du lot".
Dans son communiqué signé par le Secrétaire général et daté du 9 octobre 2025, le SECA ne mâche pas ses mots. Après avoir "examiné les projets de société des différents candidats", le syndicat affirme qu'Issa Tchiroma Bakary du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC) est "le seul candidat à avoir fait des propositions concrètes et réalistes aux camerounais".
Cette décision résulte, selon le document, d'une "analyse approfondie" des programmes présentés. Le SECA estime que le Cameroun traverse depuis plus de quatre décennies "un désastre inqualifiable sur les plans économique, social, culturel et surtout éducatif" — une critique à peine voilée du régime de Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans.
Le SECA détaille les propositions d'Issa Tchiroma Bakary qui ont emporté sa conviction. Le candidat du FSNC "propose de faire une transition de 3 à 5 ans dont le Cameroun a plus que jamais besoin après 43 ans de chaos". Au cours de cette période transitoire, le programme Tchiroma prévoit notamment de :
Résoudre urgemment la crise anglophone qui a conduit à la mort de plusieurs milliers de citoyens camerounais et rendu inhabitables des zones entières du pays
Auditer la situation économique du Cameroun compte tenu des détournements inquiétants, de l'ampleur de la corruption et de l'endettement astronomique accumulé au cours des quatre dernières décennies
Réformer la constitution de façon consensuelle sans oublier la forme de l'État
Élever les Enseignants à la dignité qui est la leur étant donné qu'ils sont indispensables à la Nation
Organiser les états généraux sectoriels y compris les états généraux de l'éducation tant attendus par les enseignants
C'est peut-être le passage le plus fort du communiqué. Le SECA "demande à tous les enseignants en particulier et au peuple camerounais en général de voter massivement le candidat ISSA TCHIROMA le 12 Octobre prochain et de défendre surtout leurs votes".
Le syndicat va même plus loin en appelant "les enseignants qui travailleront dans les bureaux de vote ou dans les commissions de vote de faire preuve de dignité et de patriotisme". Un message clair : surveillez le scrutin et empêchez toute fraude.
L'appel se termine par un avertissement solennel : "Ils devront tourner le dos à toute tentative de corruption ou d'intimidation afin que les résultats du scrutin reflètent la volonté du peuple camerounais qui a besoin d'un président légitime."
Ce soutien du SECA représente une caution symbolique importante pour Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de la Communication du régime Biya devenu opposant. Le fait qu'un syndicat d'enseignants — traditionnellement prudent dans ses prises de position politiques — franchisse le pas et appelle ouvertement à voter pour un candidat précis témoigne de l'ampleur du malaise dans le secteur éducatif.
Le SECA, dont le numéro d'enregistrement remonte au 19 septembre 2011, dispose d'une base militante dans plusieurs régions du pays. Son mot d'ordre de "vote massif" pourrait mobiliser une partie significative du corps enseignant, notamment dans l'Ouest où s'est tenue la session extraordinaire de Bafoussam.
Cette prise de position intervient alors que tous les candidats tentent de séduire les différents corps de métiers. Les enseignants, nombreux et présents sur tout le territoire national, représentent un électorat stratégique.
En se positionnant clairement pour Tchiroma, le SECA mise sur les promesses du candidat concernant "la dignité" des enseignants et les "états généraux de l'éducation". Deux thématiques qui résonnent particulièrement dans un secteur marqué par les grèves récurrentes, les salaires jugés insuffisants et les conditions de travail difficiles.
Le communiqué du SECA, signé par son Secrétaire général et portant le sceau officiel du syndicat, circule déjà largement sur les réseaux sociaux. Certains observateurs y voient une tentative de la part de Tchiroma de compenser son handicap face aux autres candidats de l'opposition, notamment Cabral Libii qui mobilise massivement la jeunesse.
D'autres analystes estiment que ce soutien syndical pourrait effectivement peser dans les urnes, notamment dans les régions où le SECA dispose d'une forte implantation. Le fait que le syndicat appelle ses membres présents dans les bureaux de vote à "faire preuve de dignité" suggère également une volonté de surveiller étroitement le déroulement du scrutin.
Cette prise de position du SECA s'ajoute à une longue liste d'incidents et de déclarations qui ont marqué cette campagne présidentielle 2025. Entre les menaces du ministre Paul Atanga Nji qui promet d'aller "pêcher" les candidats contestataires "dans leurs maisons", les intimidations rapportées contre les militants de l'opposition, et maintenant ce soutien syndical explicite, le scrutin du 12 octobre s'annonce plus que jamais sous haute tension.
Le verdict des urnes dira si l'appel du SECA aura été entendu par le corps enseignant. Mais une chose est certaine : à 72 heures du vote, Issa Tchiroma Bakary vient de marquer un point symbolique important dans sa bataille pour incarner l'alternance.