Actualités of Thursday, 6 November 2025

Source: www.camerounweb.com

C'est fini: Trump envoie un message à Paul Biya

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Washington félicite Paul Biya malgré les critiques du Congrès sur le processus électoral

Un message officiel qui contraste avec les déclarations du Sénat
Quelques heures seulement après la prestation de serment de Paul Biya pour son neuvième mandat, l'Ambassade des États-Unis au Cameroun a publié un message de félicitations officiel qui tranche avec les critiques acerbes formulées ces derniers jours par plusieurs élus américains. "Les États-Unis félicitent le président Paul Biya pour son investiture", indique le communiqué publié ce jeudi 6 novembre.

Le texte diplomatique ajoute : "Nous sommes impatients de poursuivre notre solide partenariat avec le Cameroun afin de faire progresser nos objectifs communs, tels que la paix et la sécurité régionales ainsi que la prospérité de nos deux peuples."

Ce message standardisé, conforme aux usages diplomatiques en matière de reconnaissance des gouvernements, intervient dans un contexte particulièrement tendu, alors que la réélection de Paul Biya est vivement contestée par l'opposant Issa Tchiroma Bakary et que des journées "villes mortes" paralysent plusieurs grandes agglomérations du pays.


Cette félicitation officielle contraste singulièrement avec les déclarations récentes de plusieurs figures du Congrès américain. Selon des informations révélées par Jeune Afrique le 6 novembre, deux membres du Congrès, Jonathan L. Jackson et Sydney Kamlager-Dove, ont écrit le 4 novembre au secrétaire d'État Marco Rubio pour exprimer leur "inquiétude concernant la crise postélectorale au Cameroun".


Plus virulent encore, le sénateur Jim Risch, président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain, avait publié le même jour sur X un "violent et très remarqué réquisitoire contre 'le régime corrompu de Biya'", qui, selon lui, "a organisé une mascarade de réélection", rapportait Jeune Afrique.
Cette apparente contradiction révèle en réalité la traditionnelle dichotomie de la diplomatie américaine : d'un côté, le Département d'État privilégie le pragmatisme des relations bilatérales et la stabilité des partenariats stratégiques ; de l'autre, les élus du Congrès expriment plus librement leurs préoccupations sur les questions de droits humains et de démocratie.
Des intérêts stratégiques qui transcendent les réserves démocratiques
Le message de l'Ambassade américaine met l'accent sur les "objectifs communs" entre Washington et Yaoundé, notamment en matière de "paix et sécurité régionales". Cette formulation rappelle que le Cameroun demeure un partenaire clé des États-Unis dans la région, particulièrement dans la lutte contre le groupe jihadiste Boko Haram qui sévit dans le bassin du lac Tchad.
La coopération militaire et sécuritaire entre les deux pays, ainsi que les enjeux de stabilité dans une région traversée par de multiples crises (Sahel, Centrafrique, tensions au Tchad), expliquent en grande partie cette prudence diplomatique américaine. Washington ne peut se permettre de rompre avec un allié régional, aussi imparfait soit-il sur le plan démocratique.
L'évocation de la "prospérité de nos deux peuples" suggère également que les intérêts économiques et commerciaux américains au Cameroun restent une priorité, au-delà des considérations politiques internes.

Ce qui frappe dans le communiqué de l'Ambassade américaine, c'est précisément ce qu'il ne dit pas. Aucune mention n'est faite de la qualité du processus électoral, de la transparence du scrutin ou de la nécessité d'un dialogue inclusif avec l'opposition – autant d'éléments que les congressmen Jackson et Kamlager-Dove avaient pourtant appelé Washington à exiger de Yaoundé, selon Jeune Afrique.


Cette omission délibérée peut être interprétée comme un signal : les États-Unis reconnaissent Paul Biya par pragmatisme et nécessité stratégique, mais ne cautionnent pas nécessairement la manière dont il a été réélu. C'est une reconnaissance de facto du gouvernement, sans validation explicite du processus qui l'a porté au pouvoir.

Jeune Afrique avait d'ailleurs révélé que lors de la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, "les ambassadeurs des pays occidentaux" avaient brillé par leur absence, un signal diplomatique fort de leur malaise. Leur présence confirmée à la cérémonie d'investiture du 6 novembre marque donc un retour à la normale protocolaire, sans pour autant effacer les réserves exprimées.

Le message de félicitations américain n'efface pas la pression internationale qui s'accumule sur le régime de Paul Biya. Selon les révélations de Jeune Afrique, Issa Tchiroma Bakary et son "impressionnant collectif d'avocats" préparent des saisines multiples devant des juridictions internationales, dont la Commission africaine des droits de l'homme et des instances onusiennes.
Cette stratégie d'internationalisation de la contestation, documentée par Jeune Afrique, pourrait à terme créer un embarras diplomatique pour les partenaires du Cameroun, y compris les États-Unis. Les rapports d'organisations internationales sur les violations présumées des droits humains durant la période postélectorale risquent de compliquer la posture de Washington, coincé entre ses intérêts stratégiques et ses valeurs démocratiques affichées.


Le communiqué de l'Ambassade américaine illustre l'exercice d'équilibriste auquel se livre Washington en Afrique : maintenir des partenariats stratégiques avec des régimes autoritaires tout en préservant sa crédibilité sur les questions de démocratie et de droits humains.


Cet équilibre sera d'autant plus difficile à tenir que l'opposition camerounaise, emmenée par Issa Tchiroma Bakary, semble déterminée à maintenir la pression, tant dans les rues que devant les instances internationales. Les prochaines semaines diront si ce message de félicitations américain marque la fin de la séquence postélectorale ou simplement une pause diplomatique avant de nouvelles tensions.