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Actualités of Sunday, 31 March 2024

Source: www.camerounweb.com

Bonne nouvelle pour les Camerounais: le Ngondo, culte des oracles de l'eau des Sawa fait fort

Ngondo, culte des oracles de l'eau des Sawa fait fort Ngondo, culte des oracles de l'eau des Sawa fait fort

Après l'inscription du Nguon du peuple bamoun au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco en décembre 2023, c'est au tour du Ngondo, le culte des oracles de l'eau des Sawa, d'être proposé. Cette candidature camerounaise très politique tient compte des équilibres régionaux et vise à sauvegarder les éléments du patrimoine culturel immatériel du pays.

Le Ngondo, considéré comme l'un des plus importants événements culturels du Cameroun, regroupe en son sein 18 cantons répartis dans trois régions, à savoir le Littoral, le Sud et le Sud-Ouest. Cette célébration qui concerne environ 5 millions de personnes se déroule de début septembre au 1er décembre de chaque année dans la ville de Douala. Elle est vecteur de solidarité, de communion et de justice sociale.

Le clou du spectacle est sans doute quand les membres du culte Jengu se rendent dans le monde invisible des divinités de l'eau, au milieu du Wouri, où un prêtre plonge avec le vase sacré et rapporte le message des oracles, lequel est décrypté dans la case sacrée (Dibala) pour être ensuite communiqué au peuple.

Le Ngondo est indissociable du kaba, le ndolè et le sanja, d'autant plus que les deux derniers sont, eux aussi, classés au patrimoine national du Cameroun depuis le 21 février 2020. Le kaba est un vêtement de femme en pagne ample, avec ou sans manches. Le ndolè est une spécialité emblématique de la cuisine douala, plus largement sawa, et camerounaise. Il consiste en une sauce à base de légume-feuille de vernonie, de pâte d’arachide crue et pochée, de petites crevettes roses et, éventuellement, de viande et/ou de poisson, le tout souvent recouvert d’une tadka d’oignons. Le sanja, pour sa part, est un pagne traditionnel, pour homme qui s’attache autour des reins et descend jusqu’au genou ou plus bas.

La sauvegarde des éléments du patrimoine culturel immatériel à l’Unesco connaît un regain d’intérêt auprès des États membres. Cette tendance a des raisons d’être de plus en plus grandissante, car le « titre de propriété culturelle » qui en découle octroie à l’État détenteur une sorte de statut de quasi-monopole sur la possession dudit élément sauvegardé, ainsi qu’une exposition mondiale et une monétisation assurée.

L’Afrique prend, tant bien que mal, part à cette vaste patrimonialisation culturelle en cours dans le monde. Parmi les 55 éléments, correspondant à 5 régions et 71 pays, sauvegardés dans cette institution onusienne en 2023, le continent africain affiche à son compteur une moyenne relativement satisfaisante de 12 éléments, quand le Cameroun, pour sa part, s’en sort avec un seul.

Pour une inscription raisonnée de ses éléments culturels à l’Unesco, le Cameroun a adopté une démarche qu’on pourrait qualifier d’inclusive et d’équilibriste, en ce sens que celle-ci prend en compte la diversité sociologique et environnementale. À côté des 10 régions administratives qui constituent le Cameroun, il existe un découpage en quatre zones dites socioculturelles : zone grassfield (Ouest, Nord-Ouest et Sud-Ouest), zone littorale (Littoral, Sud et Sud-Ouest), zone forestière (Centre, Sud et Est) et zone sahélienne (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord).

De ce point de vue, le Cameroun a déposé la candidature du Nguon dans la zone grassfield, puis avec le Ngondo dans la zone littorale. Ensuite, ce sera le tour du Mvet (mvét ou mvér en langue fang), un instrument musical à cordes et un art oral épique, dans une candidature commune avec le Gabon, le Congo et la Guinée Équatoriale pour la zone forestière. Enfin viendra pour la zone sahélienne le tour du Kilissa, c’est-à-dire la fantasia en langue haoussa (kìlīsā̀).

L’État du Cameroun a soumis à l’Unesco en 2023 le dossier « Le Ngondo, culte des oracles de l’eau et traditions culturelles associées chez les Sawa ». Le Ngondo est considéré comme l’un des plus importants événements culturels du Cameroun, regroupant en son sein 18 cantons (Bell, Akwa, Deïdo, Bèlè-Bèlè, Bassaa, Bakoko, Bonkeng, Bodiman, Wouri-Bwele, Wouri-Bosua, Bakweri, Nkongsamba, Malimba, Yabassi, Mongo, Limbe, Batanga et Bakossi), répartis dans trois régions, à savoir le Littoral, le Sud et le Sud-Ouest.

En tant que vecteur de solidarité, de communion et de justice sociale, cette célébration qui concerne environ 5 millions de personnes se déroule de début septembre au 1er décembre de chaque année dans la ville de Douala. Lors de sa clôture, le premier jour du dernier mois de l’année, il donne à voir à toutes les communautés cantonales, ainsi qu’aux autres communautés nationales venues des quatre coins du pays, des activités riches en spiritualité et en savoir-devenir.

Le clou du spectacle, c’est sans doute quand les membres du culte Jengu se rendent dans le monde invisible des divinités de l’eau, au milieu du Wouri, où un prêtre plonge avec le vase sacré et rapporte le message des oracles, lequel est décrypté dans la case sacrée (Dibala) pour être ensuite communiqué au peuple.

Pas de Ngondo sans kaba ni ndolè
On ne saurait parler du Ngondo sans évoquer le kaba, le ndolè et le sanja, d’autant plus que les deux derniers sont, eux aussi, classés au patrimoine national du Cameroun depuis le 21 février 2020. Le kaba est un vêtement de femme en pagne ample, avec ou sans manches. Dans la culture populaire, il a pour variante le mot kabangondo. C’est la preuve, s’il en fallait, qu’il est devenu indissociable du Ngondo.

Pourtant, les origines du kaba sont sujettes à toutes sortes de spéculations. L’une d’entre elles suggère, par exemple, que c’est Helen Jessup (1815-1886), l’épouse du missionnaire Alfred Saker (1814-1880), qui l’aurait conçu, puis « imposé » aux femmes de la côte afin de cacher leurs « formes généreuses » et réduire une concurrence déloyale devant les hommes de race blanche. Rien en réalité ne permet de confirmer cette version des faits. Bien qu’on fasse généralement remonter l’origine du mot kaba à l’anglais « cover », je postule qu’il vient plutôt du portugais « capa », un « vêtement ample et sans manche porté par-dessus d’autres vêtements ». L’arrivée des Portugais sur les côtes camerounaises conforterait cette idée.

Positionné à la 47e place du meilleur plat du monde en mai 2023, selon le classement TasteAtlas, le ndolè est une spécialité emblématique de la cuisine douala, plus largement sawa, et camerounaise. Il consiste en une sauce à base de légume-feuille de vernonie, de pâte d’arachide crue et pochée, de petites crevettes roses et, éventuellement, de viande et/ou de poisson, le tout souvent recouvert d’une tadka d’oignons. Le ndolè s’accompagne, entre autres, de tubercules (macabo, manioc, igname, etc.), de fruits (plantains mûrs) et surtout de miondo (une papillote végétale de pâte culinaire à base de manioc roui, de la forme de deux bâtons unifiés).

Le sanja, pour sa part, est un pagne traditionnel, pour homme qui s’attache autour des reins et descend jusqu’au genou ou plus bas. Tout comme le kaba, l’origine du sanja fait l’objet des discussions. Tandis que certains lui trouvent une origine dans l’Égypte ancienne, d’autres, en revanche, y voient un lien lexical avec le mot sanjɛ. En langue douala, cela renvoie à étendre/étaler. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une étymologie populaire.

Il y a fort à parier que cet habit ait été hérité du commerce entre les peuples de la côte et les Portugais. Partant de ce postulat, j’avance que le mot sanja est la déformation du mot portugais « saia », avec le sens de « vêtement pour femme qui va de la taille vers le bas, généralement jusqu’au genou  ».

En conclusion, la candidature du Ngondo à l'Unesco est une initiative importante pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du Cameroun. Cette démarche inclusive et équilibriste prend en compte la diversité sociologique et environnementale du pays et vise à promouvoir la solidarité, la communion et la justice sociale. Le Ngondo, le kaba, le ndolè et le sanja sont des éléments indissociables de cette culture et méritent d'être préservés et valorisés.