Actualités of Friday, 16 May 2025
Source: www.camerounweb.com
Une lettre ouverte est adressée au président de la République, Paul Biya, au sujet de l'impérative nécessité de faire adopter en urgence, vu le risque de crise politique sans précédent dans le pays, un code électoral consensuel, avant la présidentielle de 2025. C'est Me Christian Bomo Ntimbane qui écrit la lettre.
Excellence, la virulence du débat actuel au Cameroun, sur la définition du terme "parti représenté" au parlement et conseils régionaux et municipaux, contenue dans les dispositions de l'article 121 alinéa 2 du Code électoral, comme condition à remplir pour tout parti politique, qui entend investir un candidat à l'élection présidentielle, se présente comme un risque réel de troubles politiques graves dans notre pays, peut-être même, avant l'élection présidentielle d'octobre 2025, c'est-à-dire, au moment de la sélection des candidatures par Elecam et le Conseil constitutionnel.
C'est ce qui ressort de manière sous-entendue et après analyse des propos graves, tenus hier dans une tribune par monsieur Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du RDPC, membre de votre gouvernement, même si ce haut cadre politique feint de faire porter cette responsabilité au seul Président du parti MRC, le professeur Maurice Kamto.
En effet cette disposition de "parti représenté" induite de l'article 121 alinéa 2 du Code électoral, est hautement et socialement belligène. Elle rappelle à plusieurs points "l'ivoirité" découlant du code électoral ivoirien, et ayant précédé la guerre civile et la division de la Côte d'Ivoire pendant plus d'une décennie.
Techniquement de quoi s'agit-il ?
En effet, la Constitution camerounaise dispose en son article 15 alinéa 2 que le mandat impératif est nul. En d'autres termes que les députés, dès leur élection sont statutairement et fonctionnellement indépendants à l'égard du parti qui les a investis et de leurs électeurs. Cette interdiction du mandat impératif a été étendue aux conseils municipaux par la jurisprudence constante de la Cour suprême du Cameroun, qui tire les conséquences du régime des mandats représentatifs adopté par le Cameroun dans sa constitution, à savoir que les députés représentent la nation, le Sénat les collectivités décentralisées, le Conseil régional la région, les conseils municipaux les communes.
Ce qui rend impropre de dire par exemple que votre parti le RDPC est représenté parce qu'il a des députés, des sénateurs, des conseillers municipaux dans ces institutions. Même si ces derniers y défendent son idéologie.
Or, au moment de l'adoption du code électoral en vigueur en avril 2012, tout peut laisser croire que le législateur camerounais a cru devoir réintroduire subtilement le mandat impératif à l'article 121 alinéa 2 du code électoral, en disposant qu'un parti politique non représenté au Sénat, à l'Assemblée nationale, au Conseils régionaux et municipaux ne peut pas investir un candidat à la présidentielle. En d'autres termes que seul un parti politique représenté dans ces instances, pourrait investir des candidats à la présidentielle.
Face à une telle ambiguïté d'interprétation juridique, le législateur aurait dû être plus clair, en donnant le sens exact de la notion de "parti représenté ou non représenté", dans cette loi portant code électoral. Ce qui aurait permis d'éviter ces interprétations contrariées et fortement opposées dans l'opinion, y compris dans les milieux universitaires et autres experts du droit qu'on dénote, à savoir :
1- Pour un premier groupe de Camerounais, il faudra entendre par parti représenté celui qui a des élus, au sens de parti ayant investi des candidats à la précédente élection.
2- Pour un deuxième groupe, la Constitution et le droit camerounais sanctionnant de nullité de droit toute norme qui consacrerait le mandat impératif, tout mandat électif qui fait de l'élu, la propriété du parti ou de son électorat est juridiquement infondé.
D'où le caractère anticonstitutionnel de l'article 121 alinéa 2 du Code électoral, norme hiérarchiquement inférieure à la Constitution, donc invalide et inapplicable.
3- Pour un troisième groupe, la notion de parti représenté, pour qu'elle soit maintenue, et ne pas violer l'interdiction du mandat impératif, ne pourrait être appréciée que sous son aspect politique, à savoir que tout parti politique représenté, est celui dont les élus de la nation, des régions ou des communes, militent et défendent son idéologie au sein du Parlement et des conseils régionaux et municipaux.
C'est la justification de la transhumance politique qui veut qu'un élu peut changer d'idéologie et de parti au cours de son mandat, sans perdre son mandat. Dans ce sens l'élu qui est militant dans un parti représente ce parti soit au Parlement, soit dans les Conseils régionaux et municipaux.
4- Enfin un quatrième groupe demande de se référer à la décision du Conseil constitutionnel le moment venu.
Or il apparaît clairement dans l'opinion publique camerounaise un fort courant de soupçons de partialité de cette haute juridiction électorale.
En conséquence, au vu de l'absence tranchée d'unanimité sur l'interprétation de l'expression parti représenté et des réserves d'une partie de l'opinion publique sur l'impartialité du Conseil Constitutionnel, et surtout de la surchauffe populaire à quelques semaines de la convocation du corps électoral, il est impératif, pour une élection présidentielle apaisée en octobre 2025, de mettre à la disposition de cette haute juridiction, un code électoral clair, ne contenant aucune ambiguïté sur son contenu , accepté par tous les acteurs politiques et de la société civile, à l'issue d'un débat consensuel.
Au mois de juin 2025, une session du Parlement est prévue. Elle pourrait valablement adopter ce nouveau code électoral consensuel, afin de conduire notre pays vers des élections apaisées présidentielles, législatives et municipales. Profonds respects.