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Actualités of Friday, 29 September 2017

Source: journalducameroun.com

BIR: plusieurs soldats atteints de troubles psychologiques

Une nouvelle vague de soldats est de retour de la région de l’Extrême-nord Une nouvelle vague de soldats est de retour de la région de l’Extrême-nord

De retour de guerre, des soldats camerounais disent subir des troubles psychologiques et affirment ne pas être pris en charge. Le haut commandement pense différemment.

Une nouvelle vague de soldats est de retour de la région de l’Extrême-nord du Cameroun, où elle s’est battue contre les terroristes de la secte Boko Haram. Elle sera remplacée par une autre, à la faveur d’une rotation d’effectifs, comme le prévoient les institutions militaires.

Ces soldats de retour de guerre n’ont, a priori, rien qui les différencie de leurs collègues en service dans les villes paisibles du Cameroun, voire du citoyen lambda. Pourtant, ils rentrent du théâtre de guerre, le crâne bourré d’images affreuses, ce qui rend difficile, leur retour à la vie normale.
Selon le journaliste de guerre Eric Meyer, auteur du livre « Sri Lanka, les séquelles de la guerre », les soldats qui reviennent du front présentent très généralement des troubles psychologiques, ceci en raison des réalités de la guerre, faites de violence quotidienne et de stress permanent.

Un avis confirmé par ces soldats, que la rédaction de Journalducameroun.com a pu rencontrer à leur retour du front. Paul, l’un d’eux, ne mâche pas ses mots. « Ce sont des barbares !», confie-t-il. « Ils [les membres de la secte Boko Haram, Ndlr] sont prêts à vous faire subir les horreurs les moins imaginables », ajoute-t-il. Le soldat, dans son récit, décrit les atrocités que les soldats de Boko Haram infligent à leurs victimes et confirment qu’au quotidien, les militaires en guerre sont exposés à ces images choquantes.

« Ils ont coupé ses seins et l’ont laissée se vider de son sang»

Paul raconte alors le décès d’une de ses camarades de l’armée. « Les gars de Boko Haram avaient capturé cette jeune femme. Nous nous sommes mis à leur poursuite. Quand nous sommes arrivés au niveau de la frontière, ils avaient abandonné son corps. Ils ont coupé ses seins et l’ont laissée se vider de son sang…Elle est morte vidée de son sang ». Interrogé sur son état psychologique, Paul répond, presque la larme à l’œil. « On ne peut jamais oublier ce qu’on a vécu là-bas. C’est notre devoir, mais ça nous marque à vie. A ce jour, j’ai de la peine à traverser la route lorsque je suis en ville. Même à la maison, quand je vois de la viande fraîche, ça me rappelle des choses sombres ».

Comme lui, les militaires qui luttent contre Boko Haram présentent des traumatismes liés à la guerre. Au ministère de la Défense, le sujet est tabou. Difficile pour les responsables de la division de la santé militaire d’en parler, même s’ils reconnaissent le phénomène. Un responsable rencontré a quand même accepté de faire quelques déclarations sur le sujet, sous le couvert de l’anonymat : « Il y a des cas…On a vu des gens avoir des hallucinations, certains entendent des voix…Vous savez, dans la guerre, on ne fait pas de l’homélie pastorale».

En même-temps, les responsables de l’armée camerounaise semblent relativiser le phénomène. A la division de la santé militaire du ministère de la Défense, l’on apprend que les soldats subissent une préparation physique et physiologique avant d’aller en guerre, ce qui les prépare à ce qu’ils vont y vivre. De ce fait, les cas de traumatisme de guerre sont réduits. Mais, les cas détectés sont automatiquement pris en charge, notamment auprès de la cellule psychologique de l’hôpital militaire de Yaoundé.

Les traumatismes ne sont pas forcément apparents

Le chef de la division de la communication du ministère de la Défense utilise, pour sa part, une rhétorique particulière : « Si vous, les journalistes, êtes soucieux de la santé de nos soldats, combien de fois les hautes autorités militaires qui gèrent les hommes sur le terrain ? Vous devez savoir que les soldats qui rentrent du front reçoivent une prise en charge sur le plan psychologique lorsque le cas se décèle. Ce ne sont pas tous les soldats qui sont dans cet état ». Le colonel Badjeck poursuit son propos avec une analyse visant à démontrer que les traumatisés de guerre représentent un nombre extrêmement réduit.

Seulement, un médecin, rencontré par Journalducameroun.com, précise que ce ne sont que les cas de traumatisés présentant des troubles somatiques qui peuvent être rapidement détectables. Autrement dit, un militaire de retour du front peut bel et bien être traumatisé, et ne présenter aucun symptôme apparent.

Dans une enquête parue dans le New-York Times en 2007, des journalistes rapportaient que plus de 120 meurtres avaient été commis en 2007, par d’anciens soldats américains ayant combattu en Irak ou en Afghanistan. Le journal indiquait que « dans 25 cas, les militaires ou anciens militaires ont été accusés après des accidents de voiture provoqués par une conduite suicidaire ou en état d’ivresse, et qu’un tiers des victimes, était des familiers, épouses, petites amis ou enfants notamment, tandis qu’un quart était d’autres militaires ».

Le journal français Le monde lui aussi, conscient du phénomène, publiait dans ses colonnes en 2011, un article intitulé « La réinsertion, défi des anciens combattants d’Irak », question d’attirer l’attention de l’opinion sur la nécessaire prise en charge des soldats qui reviennent de guerre.

De leur côté par contre, les militaires camerounais rencontrés par Journalducameroun sont formels. Ils affirment n’avoir subi aucun encadrement psychologique à leur retour de la guerre et pensent qu’il devrait en avoir. Ils espèrent que le haut commandement pourra revoir les conditions d’assistance psychologique, et l’élargir à tous les soldats, qui présentent ou pas des symptômes de traumatisme.