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Actualités of Wednesday, 15 July 2015

Source: France24

Attentats-suicides au Cameroun: Les gens n’ont plus du tout confiance

Soldats Camerounais dans l'extrême-nord Soldats Camerounais dans l'extrême-nord

Deux attentats-suicides ont été commis dimanche soir à Fotokol, une localité située dans l’Extrême-Nord du Cameroun, à la frontière avec le Nigeria. La ville a également été la cible de tirs de roquettes durant toute la nuit.

Les soupçons se portent sur Boko Haram, bien que ces attaques n’aient pas été revendiquées. Alors que la vie reprenait progressivement son cours à Fotokol depuis l’attaque perpétrée par le groupe islamiste en février dernier, la peur reprend à nouveau le dessus chez les habitants.

Le 4 février dernier, des combattants de Boko Haram avaient attaqué Fotokol, tuant au moins 80 personnes, avant d’être repoussés par les militaires camerounais et tchadiens. De nombreux habitants avaient alors fui la ville se rendant pour la plupart du côté de Kousséri, à une centaine de kilomètres au sud-est de Fotokol.

Depuis cette date, les armées camerounaise et tchadienne occupent la ville, afin d’empêcher de nouvelles attaques de la secte islamiste. Les habitants étaient donc revenus progressivement sur place, en dépit de la présence de Boko Haram de l’autre côté de la frontière, dans la ville nigériane de Gamboru, contrôlée par les islamistes depuis le mois de mars. Les deux villes sont uniquement séparées par une rivière.

Dimanche, les deux attentats-suicides ont été commis quasi simultanément par des femmes, en début de soirée, dans le quartier Gardoumba. L’un d’eux a été perpétré dans une zone dans laquelle les gens se ravitaillent pendant le ramadan. Au moins onze personnes ont été tuées, selon une source proche des services de sécurité camerounais citée par l’AFP, et plusieurs ont été blessées, bien que le bilan précis demeure incertain. L'autre a été commis quelques minutes plus tard près du camp des militaires tchadiens et camerounais, mais n’a fait aucune victime.

C’est la première fois que le Cameroun est la cible d’attentats-suicides, contrairement au Nigeria et au Tchad. La dernière attaque de ce type dans la région s'est produite à un poste de contrôle militaire en périphérie de la ville de Maiduguri, capitale de l’État de Borno, au Nigeria, lundi midi.

Ali (pseudonyme) est un habitant de Fotokol.

"Dimanche, les tirs de roquettes ont commencé vers 18h42. Ils provenaient de la ville nigériane de Gamboru, donc c’est sûrement les combattants de Boko Haram qui en étaient à l’origine. Les tirs ont continué toute la nuit, toutes les demi-heures environ, avant de cesser ce matin, lorsque l’armée a commencé à riposter. Boko Haram cherchait visiblement à atteindre le camp des militaires tchadiens et camerounais pour faire des dégâts, mais leurs tirs n’ont pas fait de victimes.

Les deux attentats-suicides ont été commis quelques minutes après les premiers tirs de roquettes. J’ai seulement été témoin du second attentat. De loin, j’ai vu du feu à proximité du camp militaire, donc j’ai d’abord pensé que c’était dû aux tirs de roquettes. C’est seulement après que j’ai appris qu’il s’agissait en réalité d’un attentat-suicide. En fait, une jeune fille a couru vers le camp militaire, situé à proximité des lieux du premier attentat. Les soldats ont alors tiré sur elle, et elle s’est fait exploser.

Je me suis rendu sur les lieux du premier attentat ce matin, même si l’armée l’interdisait. Il y avait beaucoup de cadavres... Parmi les victimes, il y a le médecin intérimaire de Fotokol. Il remplaçait le médecin habituel, qui est en congé et ne devrait pas rentrer avant un mois. Il n’y a donc plus de médecins à Fotokol. [La ville compte normalement 3 000 habitants environ, NDLR]. Sept personnes ont également été blessées. Elles se trouvent actuellement à l’hôpital de la ville, où je me suis également rendu ce matin.

Aujourd’hui, le calme est revenu à Fotokol, mais les gens sont tristes et ils ont peur. Certains disent qu’ils vont déménager à Kousséri. Après l’attaque du 4 février, beaucoup de gens avaient déjà quitté la ville. Mais l’armée l’avait sécurisée, donc des dizaines de familles étaient revenues ces derniers temps. C’est pourquoi je suis surpris par ces attentats. Désormais, la confiance a de nouveau complètement disparu…

En fait, les combattants de Boko Haram n’ont jamais cessé de chercher à attaquer la zone. Le 7 juillet, ils ont lancé une offensive contre le camp militaire de Bodo, un village situé à 30 km de Fotokol. Mais l’armée camerounaise a réussi à les repousser et a tué plusieurs assaillants… De plus, des tirs de balles visant Fotokol proviennent parfois de Gamboru.

Vendredi dernier, des Nigérians - réfugiés à Fotokol depuis des mois - sont retournés à Gamboru pour aller chercher des affaires leur appartenant. Ils se sont fait tirer dessus par quelques combattants de Boko Haram, et plusieurs d’entre eux ont été tués sur le coup. Une femme, grièvement blessée, est morte plus tard à l’hôpital de Fotokol."