Le journaliste Boris Bertolt avait donné rendez-vous au peuple de parler de comment le deuxième commando a récupéré Martinez Zogo après la torture du premier commando. Le lanceur d’alerte raconte les faits.
L’opération d’enlèvement du journaliste Martinez Zogo est officiellement lancée le 3 janvier 2023. En date du 6 janvier 2023, le Lieutenant-Colonel Danwe « chef de la Division des Opérations » (mais placé sous la coordination de James Elong) appelle Lamfu Johnson Ngam, adjudant de l’armée de terre en service à la DGRE, précisément au Groupement recherches, opérations et liaisons clandestines.
Danwe lui demande de l’attendre dans la salle des opérations. Il y est rejoint par deux autres agents : Nana Tongue et Daouda. C’est là que Danwe leur dit que la cible est le nommé Martinez Zogo. Nous sommes à 11 jours de l’enlèvement.
Justin Danwe demande ce même jour à Lamfu Johnson de créer un groupe WhatsApp qu’ils vont nommer « SOA ». Les quatre personnes prenant part à cette réunion en deviennent membres séance tenante. Ils reçoivent au sortir de la réunion la somme de dix mille (10.000) FCFA chacun pour mettre du carburant dans les véhicules pour la filature du journaliste.
Le 17 janvier 2023, jour de l’enlèvement de Martinez Zogo, Nana Tongue contacte Lamfu Johnson Ngam et lui fait savoir qu’ils ont réunion à 10h et que Justin Danwe a demandé à ce que Nana Tongue soit rajouté comme administrateur du groupe WhatsApp. Ce qui est fait. Nana Tongue ajoute le même jour cinq autres personnes. Ce qui porte à neuf le nombre de membres dans le groupe WhatsApp.
Dans le détail, il s’agit de Danwe Justin, Ebo’o Clément Jules, Nzockmeping Mital, Lenoir Dawa Bosco, Bakaïwe Sylvain, Tongue Nana Stephane, Daouda, Lamfu Johnson et Nkoto Jean Leonard. Il s’agit là des membres du premier commando qui vont mener l’opération d’enlèvement et de torture du journaliste Martinez Zogo. Tous sont actuellement aux arrêts.
Le commando se divise en deux groupes. Celui de Tongue Nana et Daouda assure le guet et la filiature de la « cible ». Celui de Ebo’o Clément Jules, Nzockmeping Mital, Lenoir Dawa Bosco, Bakaïwe Sylvain, Lamfu Johnson et Nkoto Jean Leonard doit procéder à l’enlèvement et la torture. À ce second groupe, s’ajoute Godje Oumarou, le fameux qui était le chauffeur de la Prado. Justin Danwe quant à lui n’est pas sur le terrain. Il sirote un verre aux Messes des officiers.
Le même jour (ce 17 janvier 2023), Daouda écrit dans le forum Whatsapp que Martinez Zogo se trouve à Mahima Etoa-Meki. Puis il ajoute : « La cible est allée mettre de l’air dans ses roues ». Quelques minutes après, le même Daouda précise : « La cible est retournée à la radio ». À 18h, Danwe demande la position de toutes les équipes dans le groupe WhatsApp.
L’un des numéros dans le groupe WhatsApp répond : « Total Yanick Noah ». Vers 20h30, Daouda envoie l’information dans le groupe WhatsApp disant qu’ils se trouvent au niveau du Rond-Point Nlongkak. La filature de Martinez Zogo a débuté. Vers 21h, Daouda écrit : « Tongolo ». C’est la dernière information dans le groupe WhatsApp. Alors que l’opération est en cours, connexion est subitement coupée. Ils sont donc obligés de communiquer par la TPH (jargon militaire), c’est à dire ligne directe ou GMS dans le langage civil. Ce qui facilite leur géolocalisation et leur suivi (retenez ce détail capital).
Internet coupé
Peu avant 22h, Martinez Zogo est enlevé devant la brigade de gendarmerie de Nkolkondi par les membres du premier commando qui ne peuvent plus sécuriser leurs échanges via le groupe WhatsApp de l’opération. Et pour cause : ils n’ont plus accès à internet. Les voilà contraint de s’appeler par GSM. Martinez Zogo est amené à SOA. Il est embaumé d’huile de palme et de farine par Ebo’o Clément. Il est tabassé.
Et Ebo’o lui enfonce un bâton dans son arrière. Godje lui coupe une partie de l’oreille sur instruction de Danwe. La torture dure 20 à 25 mn. Godje Oumarou va faire une vidéo sur le champ après la torture de Martinez Zogo. Le journaliste est laissé coucher sur le dos et en vie.
Au cours de leurs auditions, tous les membres du groupe déclarent que Martinez Zogo était en vie. Ebo’o Clément qui commandait l’équipe de terrain précise devant les enquêteurs : « Nous avions laissé la cible en vie ».
Depuis 21h, la communication est coupée dans le groupe Whatsapp parce que les téléphones des membres du commando sont désactivés d’internet et échangent directement. Le 16 février 2023, les membres du premier commando sont auditionnés par les enquêteurs de la commission mixte. Sont présents : Colonel Otoulou Jean Pierre, Commandant la Légion de Gendarmerie du Centre ; Commissaire Divisionnaire Ngah Didier, Délégué Régionale de la Sureté Nationale du Centre, DGSN ; Colonel Mengata Ignace Walter, Directeur de personnels Adjoint à la Gendarmerie Nationale ; Commissaire Divisionnaire Nto Denis, Sous-Directeur des Enquêtes Criminelles à la Direction Police Judiciaire ; Commissaire Divisionnaire Emane Emane Moise, Chef de la Division Régionale de la Police Judiciaire du Centre, DGSN; Lieutenant-Colonel Ayissi Nanga Parfait, Commandant le Groupement de Gendarmerie Territoriale du Mfoundi ; - Commissaire de police Meva Vincent De Paul, chargé d'Etude N°02 à la DGSN ; Capitaine Alo'o Mba Maxime, Gendarmerie nationale.
Question des enquêteurs : « Qu'est-ce qui peut avoir coupé les communications dans le forum ? » Réponse de Lenoir : « Je m'étais dit qu'on avait créé un autre groupe ». Or il n’en était rien. Question des enquêteurs : Qu'est-ce qui peut avoir coupé le réseau ? Réponse de Lamfu : « Pour vous dire vrai, c'est la première fois d'entendre que le réseau soit coupé dans un groupe WhatsApp. ». Les enquêteurs sont conscients que la coupure d’internet sur leurs numéros permettait facilement de localiser les membres du commando et leur position dans la mesure où ils utilisaient désormais les lignes directes pour communiquer.
ANTIC
C’est alors qu’ils vont saisir l’ANTIC (Agence nationale des technologies de l’Information et de la communication) pour chercher à savoir qui avait donné l’instruction de couper internet sur les téléphones de certains membres du commando. L’ANTIC répond qu’il s’agissait d’une « instruction gouvernementale ». Sans apporter plus de précision. Est-ce la ministre en charge des télécommunications ? Serait-ce le DGSN ? Serait-ce le SED ? Serait le MINDEF ? La Primature ou la Présidence ? L’Antic ne donnant pas suite à n’importe quelle instruction ! Et surtout, quel timing !
Au sein de la commission d’enquête, cette réponse de l’ANTIC ne convainc donc pas. D’autant plus que c’est elle qui a saisi les opérateurs CAMTEL, ORANGE et MTN pour effectuer ces actions sur des numéros de téléphones précis. S’appuyant sur les déclarations des membres du commando, une partie des enquêteurs pense déjà que si Martinez Zogo a été laissé en vie, le travail a certainement été achevé par une autre équipe (2ème commando) qui suivait l’opération à distance depuis 21h et était parvenu à localiser précisément l’emplacement où le journaliste se trouvait. La responsabilité de l’ANTIC comme partie prenante à l’affaire ne peut donc être exclue.
Pour en avoir le cœur net, des policiers et gendarmes demandent l’audition des directeurs régionaux de Orange Cameroun, MTN Cameroun et CAMTEL pour obtenir des explications et documenter l’instruction de l’ANTIC. Et patatras, un ordre tombe qui demande l’abandon de la piste.
Mais la question du lien entre le premier et le deuxième commando va rebondir au tribunal militaire avec l’arrestation de Martin Stéphane SAVOM, l’homme de main du secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh et mais également de Justin DANWE avec lequel ils ont échangé 20 fois entre le 3 janvier 2023 et le 17 janvier 2023. C’est lui le lien entre le premier commando et le second. C’est à lui que des « spécialistes » qui ont localisé la cible ont communiqué les informations nécessaires pour que ses « gars » liquident Martinez Zogo. Les mêmes organiseront la terrible mise en scène de la découverte de son corps. Ça, c’est un autre pan de l’histoire. A suivre !