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Actualités of Wednesday, 18 January 2023

Source: Lettre d'un Africain au pape François

Archives : Les massacres des Français en pays Bamiléké

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C'est un texte extrait du chapitre 8 du livre « Lettre d'un Africain au pape François » de Souop Soffo Sa'a Mekù, dit Lucas Kamdem.

Parmi les nombreux et efficaces instruments ou techniques de manipulation comme de conditionnement des humains, les semences des graines de la peur, de l'incertitude et de l'indécision dans les esprits des victimes sont celles qui ont été les plus utilisées par les colons en Afrique, et surtout en pays Bamiléké. Mais, il faut reconnaître que ces instruments et techniques ne concernent pas uniquement l'Afrique. Dans son livre Plus malin que le Diable, Napoléon Hill démontre comment, dans les écoles et les églises aux États Unis d'Amérique du 19è et du 20è siècle, « les enseignants et les religieux sèment les graines de la peur, de l'incertitude et de l'indécision dans les esprits », particulièrement dans ceux des enfants. C'est d'ailleurs à cet érudit que je dois le titre de ce chapitre. Il décrit en effet la peur, l'incertitude et l'indécision comme étant les principales causes de la misère de plus de 95% des Américains.
Diderot a également confirmé ce qui est dit dans ce chapitre, en prenant de son côté l'exemple de Haïti : « L'Européen qui impose son ordre par les armes du soldat et les chapelets du prêtre, introduit le remords et l'effroi. Ce faisant, il détruit une société qui repose sur une morale plus sensée que la nôtre. Là où l'aumônier ne voit que licence et vice, Orou, le vertueux Tahitien, lui montre des lois qui ne contredisent pas la Nature. » (Diderot cité par Kayemb "Uriel" Nawej dans Poison blanc).

En Afrique, me basant principalement sur l'exemple des Bamiléké, je vais dans un premier temps me pencher sur les effets des graines de la peur semées pendant des dizaines d'années dans les esprits, puis dans un second temps ceux des graines de l'incertitude et de l'indécision, également semées par la même occasion.


4- La peur de la mort

La guerre rappelée dans ce chapitre aura été, pendant plus de 20 ans, une histoire
incroyable ayant conduit à la déshumanisation quotidienne du Bamiléké.
À force de vivre par anticipation les émotions liées à leur propre mort ou à celle de leurs proches, de nombreux hommes et femmes vont se retrouver toujours en train d'envisager le pire, dans toutes les situations de la vie, avec, jours et nuits, des scénarios catastrophes, des
films" dans lesquels ils imaginent ou anticipent à chaque fois leur mort imminente ou celle d'autres personnes. On assiste ainsi au développement des sentiments permanents auxquels ils n'étaient pas vraiment habitués. C'est le cas de la peur de la mort, une mort violente, souvent injuste et même scandaleuse. Ce sont en réalité des événements ponctués de grandes brutalités qui vont jour après jour traumatiser les populations. De fait : « L'héritage culturel africain, avec sa vision du monde et sa conception de l'homme préconise tout juste le contraire du triomphe de la mort sur la vie. Il préconise la victoire de la vie sur la mort. La civilisation dans le monde pharaonique comme dans l'Afrique traditionnelle consiste à organiser et gérer l'homme et le cosmos, en vue d'assurer la victoire de la vie sur la mort. » (Engelbert MVENG dans « Théologie, Libération et Cultures Africaines », Éditions Dinimber & Larimber, 2020, Page 97).

Pour une bonne partie des personnes concernées, la crainte de la mort n'a plus rien de naturel; la peur devient incontrôlable, pathologique. C'est ce qu'on appelle la thanatophobie, qui est caractérisée par une peur panique de la mort. Ce n'est alors plus la peur "raisonnable" que tout le monde peut avoir. Elle devient intense, handicapante, phobique. J'ai moi-même connu des mamans qui étaient incapables d'assister à une messe d'enterrement et encore moins à un réel enterrement, c'est-à-dire qui ne pouvaient plus s'imaginer se retrouver dans le cimetière catholique de Bangou-ville. Et pourtant, elles étaient des chrétiennes catholiques.
Abandonnées seules à leurs peurs, ces mamans et d'autres adultes avaient découvert des choix à peine croyables, des militaires français qui, à un moment donné de cette cruelle guerre, avaient décidé d'organiser des "disparitions forcées", de faire couper les têtes des nationalistes et de les exposer sur les places publiques, sans oublier également des cadavres des personnes victimes d'exécutions sommaires dans les villes et villages de la région.
Pour votre gouverne, Très Saint Père et chers lecteurs de ma Lettre, j'ai emprunté dans Kamerun quelques exemples ou témoignages qui peuvent vous paraître longs, mais qui m'ont semblé mériter d'être repris ici, pour bien illustrer de quoi il s'agit:


a) Les disparitions

À la suite de la mort d'un gendarme français en 1959, on avait découvert une forme d'exécution spéciale. Le dénommé Houtarde, en service à Bafoussam, s'était fait attraper et entraîner dans les eaux des chutes de la rivière Metchie par un prisonnier. Celui-ci s'était accroché sur cet officier, chargé d'une pratique scabreuse qui consistait à précipiter des prisonniers du haut desdites chutes. Voici à ce sujet quelques témoignages absolument ahurissants : [[Un journaliste protestant à la retraite, Daniel Maugué, nous avait déjà alertés sur ces pratiques : « Toutes les nuits, expliquait-il, un camion allait déverser des gens dans les chutes. » Une nuit, au cours d'une scène de ce type, un des prisonniers, "se sachant condamné'', s'est approché de l'officier de gendarmerie français en charge de l'étrange expédition, pour lui parler, et l'a soudain emporté avec lui dans le vide. « On a cherché pendant des jours le corps du gendarme, sans succès, explique cet ex-correspondant de Reuters. On a mobilisé les villageois environnants, on les a obligés de plonger pour chercher le corps du gendarme. En sortant de l'eau, ils ont dit qu'ils avaient trouvé tellement de crânes et tellement de corps qu'ils ne pouvaient pas reconnaître celui du gendarme. » , (Kamerun, Éditions La Découverte 2011, Pages 354 et 355)

Un autre témoignage cette fois de Michel Clerget dont le père, Jean Clerget, était maréchal des logis et Commandant de la Brigade de Bafoussam en 1959, révèle ceci en 2009, au sujet de la répression française au Cameroun : / / « ils avaient l'habitude de jeter les gens dans la rivière, du haut d'une chute d'eau. Une fois, un prisonnier, en tombant, s'est accroché à la mitraillette d'un gendarme qui s'appelait Houtarde. On l'a cherché toute la nuit, mais en bas de la chute il y avait des corps partout au fond de l'eau, sans compter les crocodiles » (...) Houtarde, était le supérieur de mon père. Avant cet incident, je les entendais parler le soir quand ils prenaient du whisky ensemble. Les gendarmes étaient tous au bout du rouleau.
Avant de mourir, Houtarde avait perdu les pédales. Il devenait fou. Il s'était mis à tuer les rebelles à la machette. Un grand gaillard comme lui, gentil, il avait perdu la boule ! »
, (Kamerun ! Éditions La Découverte 2011, Page 355)

Dans une note de bas de page, les auteurs de Kamerun signalent que le maquisard mort cette nuit-là était Fossi Jacob, dit "Nicodème, né en 1917 à Bafoussam et condamné pour « maintien de parti dissous ».
La fille de la victime, Louise Meka'ah Fossi, a d'ailleurs écrit un livre publié aux éditions Éditafrique sur cette affaire, avec un titre très évocateur : "Les profondes blessures d'une chute'. Voici ce qu'elle y raconte : « papa avait été enlevé devant ses femmes un jour de juin 1959, les femmes étant toutes analphabètes, ne pouvaient pas se montrer; de peur d'être aussi gardées ou tuées. Sachant que leur mari faisait de la politique, les femmes avaient peur du pire. C'était une période trouble, le danger était permanent pour les nationalistes et leurs descendants. Les femmes étaient restées longtemps sans nouvelles de leur mari [...] Selon un codétenu de mon papa. encore en vie à Bafoussam. il fit croire au commandant de l'armée française qu'il allait lui livrer les noms des autres upécistes. Confiant, ce commandant demanda aux autres de se mettre à l'écart d'eux. Papa donna les noms que le Blanc écrivait d'abord, puis il prétendit que l'orthographe n'était pas bonne et voulait écrire lui-même.
Comme ses mains et ses pieds étaient attachés, le blanc ordonna qu'on détacha ses mains afin qu'il écrive les noms des autres. C'est ainsi que, commençant à écrire quelques faux noms, il réussit à tromper la vigilance du colon et l'attrapa pour partir avec lui dans cette chute de la Métchié. Selon le témoignage de celui qui allait être tué après mon père et qui est encore bien vivant sous une autre identité, mon père avait tenu à la fois le colon Blanc et son adjoint Noir dans son élan de terminer avec leurs agissements. Le Noir eut la vie sauve parce que sa ceinture s'était coupée et seul le Blanc accompagna mon père pour le protéger dans sa dernière demeure dans cette chute de la métché. Celle-ci reste la mémoire morte des chutes tueuses du pays. Mais l'action de mon père avait permis de mettre fin aux tueries sous cette forme...
(pages 28 à 36).

Et les auteurs de Kamerun d'ajouter: « en 1959, l'armée française est profondément désemparée face à la persistance de la rébellion [Armée de Libération Nationale du Kamerun (ALNK)], au point de se livrer à des exactions criminelles, comme des disparitions forcées. Ces pratiques, courantes en Algérie à la même époque. si l'on se souvient de ce qui est entré dans l'histoire sous le terme de crevelles Bigeard pour désigner le largage en mer des opposants, est caractéristique de la guerre contre-révolutionnaire. Avec la disparition d'opposants, disparaissent aussi les preuves de la répression, empêchant d'honorer les martyrs de la cause, de porter leur deuil, de médiatiser leurs sorts et d'écrire l'histoire de la période. » (Pages 355 et 356)

Qui peut aujourd'hui croire que les prêtres de la région et les évêques au Cameroun à l'époque n'étaient pas au courant de telles « disparitions forcées » ? Dans tous les cas, l'Abbé KENGNE ne semble pas avoir trouvé des traces de ces faits dans les bibliothèques, ni en Italie, ni au Cameroun, ni ailleurs.


b) Les massacres des Bamiléké

En dépit de l'opposition du Colonel Du Crest au carnage des "paysans bamiléké " dans une lettre personnelle datant du 20 novembre 1959, adressée au Général Louis Dio, Adjoint du Chef d'État-major de l'armée française en charge de l'outre-mer, de nombreux massacres seront perpétrés.
Dans son ouvrage, La Françafrique, François-Xavier Verschave a intitulé l'un de ses chapitres "Massacres en Pays bamiléké". Il y relate une répression sans précédent dans une région où, comme le dira le pasteur Galland aux auteurs de Kamerun, "la vie humaine ne compte plus: ([La lutte entre les deux camps est meurtrière. Si les journalistes n'ont pas accès au théâtre des opérations, une voix, modestement, se fait entendre. Daniel Galland, pasteur à Dschang. a pu faire parvenir une lettre au journal protestant Réforme, pour relater ce qu'il vit en ce premier jour de février 1960. [.. ] Il est scandalisé par l'action des troupes du Général Mar Briand : « depuis trois jours, les forces de l'ordre ont attaqué le maquis. Je ne sais pas ce qui restera de certains villages, car le gouvernement camerounais est décidé à frapper un grand coup. avec l'aide (hélas !) de l'armée française. » Le pasteur Galland s'alarme de la multiplication des centaines « des milliers peut-être » de victimes, des guérilleros ou non, des actions des forces de l'ordre : « Les cadavres ne sont même plus enterrés, il y en a trop. Quand les maquisards sont surpris en train de faire des tranchées sur la route, ils sont tués à la mitrailleuse et ensevelis avec la terre ramassée par les bulldozers pour boucher les trous. À certains endroits, ce sont les cochons qui font les fossoyeurs. La répression s'abat sans faire de détail. C'est horrible. Plus de prisonniers, poursuit Galland.
Plus même de pitié pour les femmes et les enfants. [...] Les gendarmes entendus à Dschang racontent ce massacre avec un ton tout naturel. La vie humaine ne compte plus ]).
Ce qui paraîtra vraiment curieux dans cette affaire, c'est l'utilisation par les colons des traîtres camerounais (désignés sous le nom de "finguong" qui signifie "vendeurs du pays"), tous chrétiens, selon plusieurs témoignages. C'est le cas d'un ancien président de l'UPC, Mathias Djoumessi, Chef Supérieur de Foréké-Dschang qui, converti au catholicisme, acceptera un retournement spectaculaire de veste et se séparera de ses épouses, en gardant une seule "pour rester apprécié de l'évêque'. Il convient à ce sujet de noter que la manipulation de ce chef, fondateur de l'association néo traditionnelle Kumdze, connaitra d'abord les foudres du Révérend Père Supérieur de la mission catholique de Dschang, qui non seulement se permettra d'interdire les cérémonies funéraires des membres du Kumdze. mais excommuniera purement et simplement Djoumessi, dans le cadre d'une manipulation bien pensée. Le pouvoir français de son côté. pour le forcer à changer vraiment de camp, avait trouvé l'occasion de l'inculper pour coups et blessures le 26 Juillet 1949, ce qui lui vaudra une condamnation à trois ans de prison avec sursis. Sa décision de quitter l'UPC, de réintégrer l'Église et l'Administration lui permettra de voir ses soucis s'envoler. (Cf. note de renseignement numéro 1823/8/PS2, page 9: ADD dans Kamerun pages 133 à 135).

L'armée camerounaise sera elle aussi constamment manipulée de la même manière, le Ministre français des armées, Pierre Guillaumat, ayant ordonné, face au carnage : « d'utiliser en priorité les forces camerounaises pour toute action susceptible d'entraîner une effusion de sang. » (Kamerun, page 406)


c) Peur panique dans tout le pavs bamiléké

C'est le Général Max Briand cité ci-dessus qui lui-même, dans un rapport du 7 avril 1961, dira ce qui suit sur les opérations militaires au Cameroun : « pour des raisons que j'ai mal déterminées, dans tout le pays bamiléké, au début 1960, l'apparition ou le contact d'une unité française plongeait les populations dans un état de peur panique. » (Kamerun, page 407).
En réalité, comme l'a rapporté Sa Majesté le roi des Bamendiinda. FO TANEFO Jean Marie, dans son livre La chefferie traditionnelle : Hier, aujourd'hui et demain (Éditions Cognito 2012) : « Partout au pays bamiléké, la période d'avant l'indépendance et même après. était très difficile car la plupart des chefferies ont été brulées et l'essentiel des trésors rovaux emporté. [...] De nombreux rois chefs furent massacrés, pendus, brulés, les concessions de leurs notables pillées et saccagées [...] les colonisateurs sapaient jusqu'aux lieux sacrés et faisaient disparaître les cránes des morts. [...] Toutes les atrocités causées ont été cruelles, rudes et inhumaines et devraient à nos jours être considérées à juste titre comme crimes contre l'humanité. (Pages 162 à 168).
Cette peur panique se justifiait en fait par la réalité des deux autres points que nous allons voir ci-dessous.

d) Napalm, cartouches incendiaires et bombardements

Les témoignages de l'utilisation du napalm auquel ont fait recours les troupes du Général Briand sont si précis que nul aujourd'hui ne saurait nier sa véracité. (Cf. le livre La françafrique de François-Xavier Verschave, déjà cité).
Pour les "maquisards" ayant survécu aux attaques au napalm, il s'agissait d'acide versé sur les populations avec des avions. Mais, évidemment, les prêtres, évêques ou militaires français n'ont pas cru devoir confirmer ce crime.
Par contre, tout est beaucoup plus précis en ce qui concerne les cartouches incendiaires : l'armée francaise a bel et bien utilisé au Cameroun ce qu'elle a appelé dans ses propres rapports des cartouches de 7.5 mm incendiaires: « Les archives militaires permettent même de dater du 25 février 1960 la première commande de ce type de munitions. Et, comme signe que l'usage du feu aérien est une stratégie planifiée, l'opération du 9 mars 1960 à Bansoa est astucieusement baptisée "'étincelle" par l'état-major, appellation déjà utilisée (au pluriel) pour une opération du "plan Challe' en Algérie. au cours de laquelle il fut procédé à des bombardements au napalm. » (Kamerun, pages 422 et 423).

Les statistiques officielles reprises dans Kamerun (pages 424 et 425), sont effrayantes à propos de ces bombardements dits classiques, avec utilisation des roquettes et des mitraillages du jour à partir d'avions dits d'appui feu léger: « le 26 janvier 1960, pas moins de 2000 cartouches sont tirées sur le marché de Bahété, entièrement sous le contrôle des rebelles, causant de nombreux morts et blessés. Le lendemain, deux avions T6 tirent 600 cartouches supplémentaires et 12 roquettes sur les deux bâtiments de la mission : [mitraillage et bombardement par roquettes de la mission catholique de Babété, par une patrouille du T6). peut-on lire dans un rapport militaire. Ces raids sont complétés le 1 er février par une opération conjointe au sol et dans les airs... ».

Les exactions de ce jour-là sont également rapportées par F6 TANEFO Jean Marie : «Les colons français qui étaient à Mhouda, avaient repéré des foyers de résistances dans plusieurs groupements de Bamboutos et décidèrent de mater les résistants en commencant par Babéré où tout fut rasé, suivi de Bamendjo qui était complètement engagé dans la résistance.
Les combats furent très violents, bien que les résistants n'avaient comme armes que des fusils de fabrication locale, des machettes (coupe-coupe) et des pièges qu'ils tendaient. Continuant leur route, ils arrivèrent à Bamendjinda où ils commencèrent des représailles en procédant à des arrestations parfois basées sur des témoignages infondés. »
(La chefferie traditionnelle :
Hier, aujourd'hui et demain, Éditions Cognito 2012. Page 162).

e) Les têtes coupées

À en croire de très nombreux récits, y compris ceux de ma mère et de certains membres de ma famille, rien n'aurait traumatisé et semé les graines de la peur de la mort au pays bamiléké autant que les têtes coupées. Pour accentuer la terreur au sein des populations et trouver tous les moyens possibles pour le faire savoir, ces têtes étaient exposées. En plus des exécutions publiques et des cadavres parfois également exposés pendant plusieurs heures, l'armée française n'a lésiné sur aucun moyen permettant de terroriser au maximum les populations : « la censure de la répression en direction de l'opinion internationale s'accompagne alors parallèlement d'une démonstration de force de l'armée française en direction des populations locales. Le 12 mars 1960, les forces de l'ordre rassemblent 7000 habitants sur la place principale de Dschang. capitale du département bamiléké, pour leur faire assister à l'exécution publique de 9 terroristes, condamnés par un tribunal militaire, pour avoir participé à un raid dans les semaines précédentes. |..| Pour parfaire le spectacle. leurs cadavres sont abandonnés toute une journée sur la place au regard des curieux ou des candidats au maquis. [.] Plus impressionnant encore que les exécutions publiques, les militaires et les miliciens prennent l'habitude, à partir de 1960, de couper les têtes de leurs victimes et de les exposer en public, sur les places ou au détour d'un chemin. À Bafoussam, une place s'appelle encore aujourd'hui "carrefour maquisard, en souvenir de cet usage macabre. Cette pratique est si généralisée et si frappante que les témoignages à ce propos sont innombrables. [ ] D'après Jacques Ménier; le Directeur de l'École Nationale d'Administration et de Magistrature camerounaise de l'époque (ENAM). ces décapitations ne relevaient pas des dérapages de sous-fifres indisciplinés, mais de politiques ordonnées au sommet de l'État. » (Page 448)

On pourrait également évoquer ici les profanations et l'exhibition des cadavres de Um Nyobe, de Paul Momo ou encore de Jérémie Ndéléné et beaucoup d'autres. Tous ces actes ne semblent pas avoir connu la moindre réaction officielle de l'Église catholique, pourtant au courant de tout, face à des femmes, des hommes et des enfants, laissés seuls à leurs peurs. Tout petit, je me retrouvais souvent moi-même à tourner dans mon lit, en ressentant dans mes tripes des souffrances indescriptibles. Nous dormions d'ailleurs à même le sol, chaque fois qu'il y avait des coups de feu dans la nuit. Je comprendrai beaucoup plus tard seulement que mes souffrances étaient liées à la peur de la mort qui me rongeait et rongeait aussi tous les membres de ma famille, ainsi que les voisins.]]
[...]

Note : Je démontre aussi dans la "'Lettre d'un Africain au pape François" comment les Bamileké ont su tirer profit de l'adversité de leur culture et de leurs traditions pour devenir des leaders dans plusieurs domaines...