Actualités of Wednesday, 5 November 2025

Source: www.camerounweb.com

Après Tchiroma, Michelle Ndoki et Felix Agbor Balla fuient le pays face à une vague de répression sans précédent

Répression post-électorale au Cameroun : l'exode massif des contestataires inquiète

Le départ d'Issa Tchiroma Bakary vers le Nigeria n'est que la partie visible d'un phénomène plus large et préoccupant : l'exode croissant des opposants et contestataires camerounais face à ce que Jeune Afrique qualifie de "vent de répression sans précédent" qui s'abat sur le pays depuis l'élection présidentielle du 6 octobre dernier.



Trois semaines après la proclamation controversée de la victoire de Paul Biya par le Conseil constitutionnel, le Cameroun connaît une intensification spectaculaire de la répression contre toutes les voix contestant la véracité des résultats officiels. Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique, plusieurs figures de proue de la contestation ont été contraintes de fuir le territoire national pour échapper à des arrestations imminentes.


L'avocate Michelle Ndoki, qui dirigeait une initiative citoyenne de collecte des procès-verbaux de l'élection pour documenter les présumées fraudes, a quitté le Cameroun dans la plus grande discrétion. Son initiative, qui visait à compiler des preuves tangibles des irrégularités électorales, constituait une menace directe pour la version officielle des résultats.


De même, Felix Agbor Balla, activiste renommé des droits de l'homme, a également pris le chemin de l'exil. Son départ témoigne de l'ampleur de la répression qui frappe non seulement les leaders politiques, mais également les défenseurs des droits civiques et les militants de la société civile.



Jeune Afrique révèle que la répression ne se limite pas aux têtes d'affiche de l'opposition. Les soutiens d'Issa Tchiroma Bakary, à tous les niveaux, font l'objet de pressions, d'intimidations et, dans certains cas, d'arrestations. Cette stratégie vise manifestement à isoler l'opposant en démantèlement son réseau de soutien à l'intérieur du pays.


Cette approche marque un durcissement notable par rapport aux pratiques habituelles du régime. Par le passé, le pouvoir camerounais se contentait généralement de surveiller et de harceler les opposants sans nécessairement les pousser à l'exil. La systématisation actuelle de la répression suggère une volonté de ne tolérer aucune contestation de la victoire proclamée de Paul Biya.


Fait notable révélé par Jeune Afrique, le gouvernement camerounais n'est pas unanime sur la stratégie à adopter face à Tchiroma et ses soutiens. Le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, incarne la ligne dure en plaidant pour une interpellation immédiate de l'opposant, même au Nigeria.
Cependant, une faction plus pragmatique au sein de l'exécutif estime qu'il serait plus habile de laisser Tchiroma temporairement en liberté à l'étranger, tout en travaillant à le marginaliser politiquement. "Tchiroma au Nigeria, même à la frontière, c'est un moindre mal. Son influence restera circonscrite et les Nigérians ne le laisseront pas faire n'importe quoi", confie une source camerounaise à Jeune Afrique.

Cette divergence stratégique révèle une certaine perplexité au sein du pouvoir sur la meilleure manière de gérer une crise post-électorale qui risque de s'enliser.

L'opération "villes mortes" : une contestation qui s'organise
Malgré la répression et l'exil de ses principaux leaders, la contestation s'organise et se structure. Jeune Afrique rapporte qu'Issa Tchiroma Bakary, depuis son refuge au Nigeria, coordonne l'opération "villes mortes" destinée à paralyser le Cameroun pour protester contre la victoire de Paul Biya.
Cette stratégie de paralysie économique, qui rappelle les épisodes similaires durant la crise anglophone, vise à maintenir la pression sur le régime en place. Elle témoigne de la détermination des opposants à ne pas accepter passivement les résultats proclamés.


Le fait que cette coordination se fasse depuis l'étranger complique la tâche des autorités camerounaises, qui ne peuvent plus compter sur des arrestations pour décapiter le mouvement. L'exil des leaders crée paradoxalement une forme de sanctuarisation qui leur permet de continuer à agir sans risque immédiat.


La situation d'Issa Tchiroma Bakary et des autres exilés dépend largement de l'attitude qu'adopteront les autorités nigérianes. Jeune Afrique souligne que Yaoundé compte sur une collaboration d'Abuja pour surveiller les agissements de l'opposant et lui imposer une certaine retenue.

Les relations entre Paul Biya et le président nigérian Bola Tinubu seront déterminantes. Une source diplomatique citée par Jeune Afrique note que "tout cela est plus politique que juridique". Le Nigeria se trouve ainsi dans une position délicate, devant gérer ses relations avec son voisin camerounais tout en respectant ses propres principes en matière d'asile et de droits de l'homme.


L'exode des contestataires camerounais soulève des questions plus larges sur l'état de la démocratie et des libertés dans le pays. Lorsque des avocats, des militants des droits de l'homme et des leaders politiques sont contraints à l'exil pour avoir simplement contesté des résultats électoraux, c'est l'ensemble du processus démocratique qui est remis en cause.

Les révélations de Jeune Afrique sur l'ampleur de cette répression post-électorale et sur la fuite coordonnée de plusieurs figures de la contestation dressent le portrait d'un pays où l'espace démocratique se rétrécit dangereusement. La question qui se pose désormais est de savoir combien de temps cette situation pourra durer sans provoquer une crise politique majeure.
Pour l'instant, l'épouse d'Issa Tchiroma Bakary est restée à Garoua, symbole poignant d'une famille et d'un pays divisés par la crise politique. Pendant ce temps, depuis le Nigeria voisin, l'opposant continue son combat, protégé par la frontière mais surveillé de près par deux gouvernements aux intérêts parfois convergents.