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Actualités of Mardi, 28 Août 2018

Source: observers.france24.com

Ambazonie: émouvant témoignage des employés de la CDC

'En juillet, notre plantation de bananes avait déjà été attaquée' 'En juillet, notre plantation de bananes avait déjà été attaquée'

Cette attaque a visé une plantation de bananes de la Cameroon Development Cooperation (CDC), une entreprise publique opérant dans le secteur agro-industriel, qui produit principalement du caoutchouc, de l’huile de palme et des bananes.

Cette plantation se trouve dans le sud-ouest du Cameroun. Il s’agit de l’une des deux régions anglophones du pays, avec la région du Nord-Ouest. Ces deux régions sont actuellement secouées par de graves violences, commises à la fois par les forces de sécurité et des groupes séparatistes.

"Des hommes sont arrivés avec des armes à feu et des machettes"

Un employé de la plantation de bananes de Tiko, qui a souhaité garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, revient sur l’attaque du 24 août.

"Nous étions en train de travailler lorsque des hommes sont arrivés, en toute fin de matinée. Ils portaient des armes à feu, des machettes et des vêtements assez rustiques. Certains avaient le visage masqué. Je dirais qu’ils étaient entre 30 et 40. Ils ont commencé à frapper des travailleurs, donc j’ai pris la fuite, comme beaucoup d’employés. Ils ont brûlé une partie de l’endroit où les bananes étaient traitées.

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Selon certains employés, les hommes armés leur ont demandé : "Pourquoi vous continuez à travailler, puisque vous n’êtes pas payés ?" De fait, nous n’avons pas été payés depuis juin en raison de la crise qui affecte la zone et qui a frappé notre production. D’ailleurs, la production de caoutchouc et d’huile de palme a également diminué, en raison des attaques fréquentes.

Certains disent que les hommes armés étaient des Ambazoniens [une appellation faisant référence à l’Ambazonie, le nom donné par les séparatistes camerounais anglophones aux régions anglophones du pays, qui s’en prennent notamment aux symboles de l’État, NDLR]. Mais on ne peut pas le savoir, vu qu’ils n’ont pas dit qui ils étaient."

"Des employés m’ont dit que des militaires étaient ensuite arrivés sur place. De mon côté, après l’attaque, je me suis rendue à l’hôpital de la CDC, à Tiko. [La compagnie possède ses propres hôpitaux, NDLR.] Il était rempli de travailleurs blessés – des hommes et des femmes – même si je ne sais pas combien ils étaient précisément [44 selon la BBC, NDLR]. Personne n’a été blessé par arme à feu, mais ils avaient des coupures au niveau des mains, de la tête, des fesses et des jambes. Certaines coupures étaient profondes et ont été refermées avec des points de suture. Certaines personnes avaient des bleus. Actuellement, il y a toujours des blessés à l’hôpital.

"En juillet, notre plantation de bananes avait déjà été attaquée"

En juillet, notre plantation de bananes avait déjà été attaquée. Un chauffeur conduisant des travailleurs sur le lieu de travail avait été blessé, de même que d’autres employés. Je n’étais pas présent au moment de l’attaque, mais j’ai rendu visite aux blessés à l’hôpital après, même s’ils étaient moins nombreux qu’à la suite de l’attaque du 24 août. [Selon les médias camerounais, ce sont des individus se réclamant du groupe armé séparatiste "Amba Boys" qui les avaient agressés, faisant une douzaine de blessés, NDLR.]

La situation est vraiment compliquée ici… Nous vivons dans la peur, en raison de l’insécurité qui règne dans la zone. Il faudrait que le gouvernement essaye de résoudre cette crise. Nous ne savons même pas quand nous allons être payés la prochaine fois, car la compagnie ne dit rien."

Les régions anglophones du Cameroun ont commencé à être secouées par des manifestations fin 2016, organisées notamment par les avocats, les enseignants et les étudiants. Ces derniers entendaient alors dénoncer la "marginalisation" croissante des anglophones, dans un pays majoritairement francophone. Mais ces manifestations ont été durement réprimées par les forces de l’ordre.

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Cette répression a contribué à la radicalisation du mouvement de contestation. Comme l’explique Amnesty International, à partir de la fin de l’année 2017, les voix modérées ont "commencé à s’éclipser à mesure que des groupes séparatistes armés, qui appelaient à la sécession et prônaient la lutte armée, gagnaient en visibilité et en soutien". Parallèlement à cela, la militarisation de ces régions a alors été renforcée. Depuis, de nombreuses violations des droits de l’Homme ont été commises à la fois par les groupes séparatistes armés et les forces de sécurité camerounaises, poussant les habitants à fuir en masse.

Cette grave crise a affecté la CDC à différents niveaux, au cours des derniers mois : deux de ses employés ont été tués, certaines de ses installations ont été détruites, plusieurs plantations ont été fermées… Des milliers d’emplois sont également menacés, alors que la CDC est le deuxième employeur du pays, selon son site Internet.

Notre rédaction a contacté la direction de la CDC, notamment pour demander si des mesures avaient été prises pour protéger les employés, mais nous n’avons pas reçu de réponse pour l’instant. Nous la publierons si elle nous parvient.