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Opinions of Monday, 6 November 2017

Auteur: camer.be

Accidents de la route: « General Express » serait la vraie victime

Monsieur le Ministre, permettez-moi de m’adresser à vous de la façon la plus directe et sincère qui soit, après l’accident de la route qui a, une fois de plus, coûté la vie à 15 Camerounais et fait de nombreux blessés dans la nuit du Lundi 23 Octobre 2017 sur «l’axe lourd» Douala-Yaoundé au lieu-dit Maholè-Boumnyebél.

D’abord comme citoyen je voudrais, à travers vous, m’adresser également à nos compatriotes qui, dans leur écrasante majorité, ne sont plus en sécurité nulle part depuis quelque temps. Une fois de plus, des Camerounais viennent de perdre tragiquement la vie.

Nous venions à peine de sécher nos larmes après la terrible série noire du mois d’Aout 2017, qui vu la mort s’abattre sur plus d’une centaine de nos concitoyens sur les différents axes routiers plus que jamais redoutés par les usagers de tous ordres. Nous sortions à peine aussi de la commémoration de la sinistre tragédie du 21 octobre 2017 d’Eséka, l’une des plus graves de l’histoire ferroviaire d’Afrique. Nous égrenons la liste de nos morts, de nos blessés, des orphelins, des veufs et veuves ainsi que des dégâts matériels occasionnés par ces tristes accidents. Nous parlons souvent de ces événements qui écument nos axes routiers comme si cela était une fatalité. Que non !

Tous ces malheurs ne sont que les conséquences des graves maux qui minent notre société. Ils découlent pour l’essentiel, des lacunes en matière de gouvernance infrastructurelle des dirigeants actuels dont vous êtes, qui ont manifesté leur incapacité à instaurer un ordre juste dans le secteur des transports afin d’assurer paix et sécurité à nos concitoyens. C’est l’indiscipline, l’inertie, le laisser-aller, la tolérance administrative calculée, la corruption ainsi que la mauvaise gouvernance ambiante en matière de gestion des budgets dédiés à ces travaux publics, qui ont transformé notre secteur des transports en une principauté mafieuse et chaotique.

Je dis clairement que le premier responsable de cette situation est le gouvernement du Cameroun, à travers notamment le Ministère des Transports qui est chargé en particulier de la régulation de ce secteur d’activité vital pour notre société et notre économie. D’autres ministères comme celui des Travaux Publics sont tout aussi directement comptables de tous ces drames. Comment comprendre que pendant plus de 20 ans, le permis de conduire fut délivré d’une façon scandaleusement fantaisiste, qui était d’ailleurs entourée d’une corruption à ciel ouvert ?

Comment comprendre que l’écrasante majorité des auto-écoles existent et fonctionnent dans l’illégalité et la clandestinité, au vu et au su de nos autorités gouvernantes à divers niveaux ?

Comment comprendre que la plupart des agences dites de transport existent et fonctionnent elles aussi en marge de la réglementation en vigueur et dans une anarchie et un désordre indescriptibles sous nos yeux indifférents ou corrompus?

Combien de morts faut-il encore pour accorder aux conducteurs et autres personnels des agences de transport routier un salaire humain et digne, un repos convenable et mérité, des voitures en bon état de fonctionnement, des cadres de travail décents, des gares routières dignes du Cameroun, une sécurité sociale à la hauteur des risques qu’ils encourent chaque jour sur nos routes pour nous ?

Combien de morts faudra-t-il, Monsieur le Ministre des Transports, pour que nous fassions des choses simples afin de mettre de l’ordre dans ce secteur d’activité qui est le plus utilisé par les Camerounais les plus démunis? Je parle des Camerounais qui n’ont pas de 4x4 rutilantes, et qui ne peuvent non plus prendre l’avion qui est rare et cher, ou le train qui est limité et fait du reste plus que jamais peur.

Vous vous êtes empressé de prendre cette lourde mesure de suspension de l’Agence de Voyage Général Express pour une durée de trois (03), ainsi que celle de la suspension du permis du chauffeur du bus accidenté. Mais dans la trame de cet autre drame de la route, ne devrions-nous pas, avant toutes choses, établir les responsabilités des uns et des autres avant de « frapper ».

Au risque de me tromper et sans mauvais jeu de mots, l’Agence de Voyage Général Express est en réalité la victime de cet autre accident. Elle est victime de l’état de la route qui sur ce trajet, était devenue glissante et extrêmement accidentogène du fait de l’huile qui s’y était déversée. Aucune mesure n’avait été prise jusqu’à cet autre accident pour rendre la chaussée moins risquée sur ce tronçon.

Au demeurant l’état global de nos routes est-il si rassurant ? Nous sommes tous d’accord pour dire sans hésitation, non ! Circuler sur ces routes est un défi quotidien pour tous les usagers. Votre mesure prise à titre dit conservatoire, a contenté quelques-uns, mais elle en a surpris et choqué beaucoup d’autres comme en témoignent les menaces de grèves qui planent désormais. Décider sur le coup de l’émotion de faire de cette agence le bouc émissaire d’un problème qui est plutôt général, ne me semble pas être la meilleure solution aux drames routiers camerounais actuels.

Je pense qu’un autre type de mesure, s’appuyant du reste sur les dispositifs réglementaires en vigueur, seraient à la fois plus justes et plus efficace. Des sanctions dans le registre de l’administration d’une lourde amende financière à l’entreprise, de l’obligation à respecter un cahier des charges spécifique, avec un contrôle spécial et sans risque de corruption entre autres, pourraient être explorées.

Monsieur le Ministre,

Si vous n’y prenez garde, les conséquences de votre mesure de suspension risquent d’être plus douloureuses et peut-être dramatiques aussi bien pour l’Agence Général Express que pour les centaines de milliers d’usagers qu’elle transporte tous les jours sur différents axes routiers du Cameroun.

Nul n’est besoin de vous rappeler que cette Agence est l’une des plus importantes du pays avec un parc automobile qui pourrait compter près de 150 véhicules (cars, coasters, bus etc). Ces véhicules sont en permanente circulation. Il sera bien difficile pour le promoteur de cette agence, de trouver un espace pour les parquer tous pendant…03 mois.

Chaque véhicule emploie en moyenne chaque jour 03 personnels circulants (un ou deux chauffeurs, un chargeur, un motor-boy). Relativement seulement à ce personnel à bord, votre décision met près 450 Camerounais au chômage. Général Express compte près de 10 hangars d’embarquement et de débarquement des passagers et de biens ainsi qu’un service de messagerie dans les villes de Yaoundé, Douala, Bafoussam, Mbouda, Dschang etc.

Le personnel employé en ces lieux (billetteurs, caissiers, services courrier et colis, chargeurs, vigiles etc) s’élève à près de 150 personnes, qui vont être mises également au chômage. Je ne parle pas de l’activité économique et sociale qui se greffe autour de ces pôles de travail. Je ne parle également pas de l’immense manque à gagner pour les stations-services pour le carburant, les postes de péages, le service des impôts, les assurances etc. Cette suspension émotionnelle est aussi un mauvais signal pour l’investissement et pour l’entrepreneuriat privé au Cameroun.


Monsieur le Ministre, cette agence est une entreprise qui rend un inestimable service social et économique à notre pays à travers la circulation des hommes et des biens qu’elle s’investit à assurer tous les jours. Il n’est pas du tout certain que les autres agences ou acteurs isolés sur ces lignes seront capables de supporter la demande des passagers.

On imagine d’ici la grande pression de la demande et les conséquences qui pourraient en découler. Dans cette situation, il y a au reste de fortes présomptions que, comme d’habitude, le promoteur de cette agence cherche à contourner la mesure de suspension en mutant par un simple jeu d’écriture pour revêtir une autre dénomination.

Cette autre prime au faux et à la clandestinité est indigne d’un pays sérieux. Autrement dit, cette mesure oblige ce promoteur à entrer dans le « maquis » de la clandestinité Il me semble que cela est une option qu’il faut éviter.

Même si les avis sont partagés sur votre mesure, elle est en train de créer plus de mal que de bien dans notre espace socioéconomique déjà fortement paupérisé. Le mécontentement est clairement perceptible au sein d’une importante opinion nationale, y compris des milliers d’usagers de ladite agence. Dans notre contexte social si fragile, est-il encore besoin de créer d’autres poches de mécontentements et de grogne sociale ?

C’est au vu de tout ce qui précède que je vous adjure, Monsieur Le Ministre, de bien vouloir lever cette mesure de suspension. Ce ne sera ni un recul, ni une capitulation mais une décision de sagesse.

En tant qu’acteur politique, je voudrais enfin déplorer cet autre drame routier et saisir la présente occasion pour adresser mes sincères condoléances aux personnes et familles qui ont été une fois de plus éprouvées.

Ma démarche pour la levée de cette suspension procède uniquement d’un devoir de veille citoyenne et politique pour la construction d’une vraie justice sociale, gage de paix, de progrès et d’un harmonieux vivre-ensemble auxquels notre pays aspire plus que jamais par ces temps de crise multiforme.

Considération distinguée.

Fait à Yaoundé, le mercredi 1er Novembre 2017.

Olivier BILE, Président de l’Union pour la Fraternité et la Fraternité (UFP)