Le Cameroun est certainement l'un des pays d'Afrique qui compte plus de titulaires de doctorats et de professeurs. Mais triste est de constater que tous ces gros diplômés sont au chômage.
C'est la raison pour laquelle le collectif des Docteurs chômeurs du Cameroun qui a recensé plus de 2500 titulaires de doctorat au chômage, a écrit récemment une lettre au chef de l'Etat Paul Biya. Cette lettre, nous apprennent les membres représentatifs du collectif, a pour objectif de plaider pour le recrutement des docteurs et Ph.D dans l'administration.
"Sachant compter sur votre magnanimité, de père de la nation, nous vous exhortons d'autoriser un recrutement massif de titulaires de doctorat et doctorat/ph.d, au profit des universités d'Etat nouvellement créées et de celles déjà existantes. Monsieur le président de la République, ceci est notre doléance visant à nous sortir de la précarité et la clochardisation dont nous sommes victimes au quotidien", écrit le collectif.
En mars 2023, d'autres universitaires camerounais avaient menacé le chef de l'Etat de manifester, s'il ne faisait rien pour les sortir du chômage Il s'agissait d'universitaires camerounais ayant au moins le grade de Doctorat, d
Ci-dessous la lettre
"A monsieur le président de la république du Cameroun, S.E. Paul Biya et l’ensemble du gouvernement
Monsieur le Président de la République, chers Dirigeants du Cameroun,
C’est avec le cœur meurtri et une tristesse sans limites, que nous, titulaires du doctorat/Ph.D vous écrivons cette lettre car il est encore temps et beaucoup de choses peuvent être sauvées…
Nous saluons avant toutes choses, l’initiative que vous avez prise de doter finalement chaque région de notre pays d’une université d’Etat. Cette initiative devrait inviter inéluctablement à un recrutement conséquent de la ressource pour l’enseignement et l’encadrement des jeunes étudiants camerounais ; seulement et malheureusement, ce n’est pas le cas.
Vous venez d’autoriser le recrutement de 150 docteurs/Ph.D dans les trois nouvelles universités d’Etat. Ce recrutement est non seulement insignifiant, mais s’apparente à un mépris à l’égard de nous, titulaires de doctorat et en chômage depuis deux à trois ans. Les titulaires de doctorat/Ph.D se chiffrent à plus de 2000 (deux mille) à ce jour dans notre pays ; c’est sans compter ceux qui se trouvent hors de nos frontières et ceux en cours de soutenance.
Aucun Etat du monde ne néglige et marginalise autant ses chercheurs comme le nôtre et cela a trop duré. Si on peut tolérer le chômage des bacheliers, des licenciers, des masterants, le chômage des docteurs n’est pas à tolérer sous aucun prétexte. Vous ne savez certainement pas le stress et l’anxiété qu’il y’a d’être diplômé de doctorat/Ph.D et de ne pas avoir un emploi même indécent dans une société ; vous ne mesurez pas non plus la douleur des parents des docteurs/Ph.D qui continuent d’assurer à leurs enfants docteurs, les besoins primaires et élémentaires. Nous avons tous ou presque, dépassé l’âge de concourir pour la fonction publique ; ça n’a jamais été notre objectif d’ailleurs. Nous avons choisi d’être des universitaires, des enseignants et chercheurs. Nous voulons œuvrer pour notre pays tout simplement ; c’est un droit pour nous et un devoir pour vous.
Nous savons que vous êtes insensibles à nos cries étant donné qu’aucun de vos enfants n’a subi le même sort que nous. Nous sommes déterminés à mourir en prison ou sous la pulsion des kalachnikovs de nos forces de maintien de l’ordre car, nous préférons la mort physique à la mort sociale que vous nous imposez actuellement.
Nous faisons partie de cette jeunesse ayant refusé de prendre les armes pour agresser les paisibles citoyens dans les domiciles, les rues et les axes lourds. Nous maintenir en chômage, c’est donner raison à ces braqueurs, c’est tuer le rêve de notre jeunesse du primaire et des collèges qui nous voient du haut de notre doctorat, le plus grand diplôme du système universitaire, vivre dans la même case familiale avec elle et exprimant les mêmes besoins que les leurs à nos pauvres parents.
Vous donnez pleine raison à ceux qui estiment que les études n’ont plus de valeurs dans notre pays. Les docteurs/Ph.D en chômage sans perspectives, c’est un scandale et nous caressons l’espoir de voir que cela prenne à jamais fin dans notre pays. Ce n’est d’ailleurs plus une faveur que nous vous demandons, nous exigeons notre recrutement sans condition. Nous pouvons tolérer le recrutement de tous les titulaires de doctorat/Ph.D ayant soutenus avant le 31 décembre 2022 avec les garanties que ceux ayant soutenus en 2023 seront recrutés à la fin de l’année.
Cette lettre est à la fois une interpellation, une mise en garde et une annonce de séries de manifestations sans relâche que nous mènerons dans la capitale jusqu’à l’obtention d’une solution satisfaisante ou notre assassinat/emprisonnement. Nous avons passé notre vie à accomplir notre devoir envers notre société (aller à l’école), il est temps que notre Etat nous donne la possibilité de valoriser nos savoirs et ce n’est pas une faveur.
Nous allons vous informer sur notre chronogramme d’activités le cas échéant ; les docteurs/Ph.D partiront de Dschang, de Douala, de Ngaoundéré, de Maroua, de Buéa, de Bamenda pour rallier ceux de Yaoundé 1 et 2 à Yaoundé afin de faire entendre nos frustrations devant les hautes institutions et de permettre au monde entier de voir le niveau de clochardisation de la jeunesse intellectuelle du Cameroun. Nous sommes dans nos derniers retranchements, victimes de frustrations, d’humiliations et de clochardisation ; nous n’avons plus peurs de rien.
C’est pourquoi nous vous conseillons qu’au lieu de mobiliser le renseignement et les autres leviers habituels de farces, il est mieux de prendre au sérieux nos revendications. On ne manipule pas un intellectuel.
On ne joue pas avec ses docteurs.
Veillez recevoir Monsieur le Président de la République, chers membres du gouvernement, l’expression de nos engagements patriotiques.
Fait à Yaoundé, le 16 Mars 2023"