Actualités of Wednesday, 12 November 2025
Source: www.camerounweb.com
Réfugié au Nigeria après sa défaite à la présidentielle du 12 octobre, Issa Tchiroma Bakary incarne le paradoxe du système Biya : celui qui fait et défait ses créatures. Enquête exclusive de Jeune Afrique sur trente-trois ans de fidélité récompensée puis trahie.
Les archives analysées par Jeune Afrique révèlent qu'Issa Tchiroma Bakary doit son ascension à... une première trahison de Paul Biya. En novembre 1992, le président "trahit" Bello Bouba Maïgari, leader de l'UNDP arrivé troisième à la présidentielle. Ce dernier avait "négocié six portefeuilles pour les siens", mais Biya préfère "favoriser des jeunes loups dissidents" : Hamadou Moustapha et Issa Tchiroma Bakary.
Notre investigation montre que cette méthode – diviser les opposants en cooptant leurs lieutenants – deviendra une marque de fabrique du régime. Tchiroma, nommé ministre des Transports à 40 ans, entre ainsi dans le sérail par la petite porte de la dissidence.
Jeune Afrique a reconstitué le parcours ministériel de Tchiroma Bakary, symbole d'une loyauté sans faille jusqu'en 2019. Reconduit en 1997, maintenu en 2004 et 2011, il obtient en 2011 le portefeuille stratégique de la Communication, qu'il "conserve" fidèlement.
Les révélations de Jeune Afrique indiquent qu'il joue un rôle clé dans tous les remaniements, incarnant le parfait notable du septentrion rallié au pouvoir central. En 2019, il est même récompensé pour son efficacité : René Emmanuel Sadi le remplace à la Communication après avoir été "en première ligne, avec le RDPC, dans la campagne pour la réélection de Biya".
Le tournant survient lors du remaniement de janvier 2019. Jeune Afrique révèle que Tchiroma Bakary est "rétrogradé au ministère de l'Emploi", un portefeuille sans envergure. Cette humiliation publique marque le début de la rupture. Notre enquête établit que cette mise à l'écart intervient précisément au moment où les "clans" Ngoh Ngoh et Mvondo Ayolo se structurent.
Tchiroma démissionne finalement pour se présenter à la présidentielle de 2025, contestant désormais depuis l'exil nigérian la victoire de celui qui fut son mentor pendant trente-trois ans. Un retournement que Jeune Afrique analyse comme l'aboutissement logique d'un système qui fabrique ses propres opposants.