Vous-êtes ici: AccueilActualitésPolitique2021 11 02Article 626419

Politique of Mardi, 2 Novembre 2021

Source: Mutations

Opportunisme politique - Appel de la Lekié : le dessous des cartes

Eyebe Ayissi a réuni les élites de ce département pour la candidature de Paul Biya en 2025 Eyebe Ayissi a réuni les élites de ce département pour la candidature de Paul Biya en 2025

Alors que le moment semble inopportun, le ministre Henri Eyebe Ayissi a réuni les élites de ce département pour la candidature de Paul Biya en 2025.

En politique, « l’opportunisme est une attitude qui consiste à agir selon les circonstances du moment afin de les utiliser au mieux de ses intérêts et d’en tirer le meilleur parti, en faisant peu de cas des principes moraux » (cf. toupie.org).

Si on a du mal à déceler l’intérêt de l’« appel solennel de la Lekié pour un consensus national en vue de la candidature du président Paul Biya à l’élection présidentielle de 2025 », l’on se demande également quelle est l’opportunité d’une telle sortie, pour le moins prématurée. Le président Biya n’est qu’à mi-mandat de son septennat entamé le 06 novembre 2018, et déjà il est appelé à se représenter pour une élection lointaine.

À noter également qu’au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), sa candidature ne souffre d’aucune contestation, en tout cas, suivant les statuts de cette formation politique qui stipulent que le président national « est le candidat du parti aux élections présidentielles » (article 27 alinéa 3). Même du point de vue institutionnel, tous les verrous ont été levés, la Constitution lui permettant de se porter candidat ad vitam aeternam. « Le président de la République est élu pour un mandat de sept ans. Il est rééligible » (Cf. article 6 alinéa 2).

Néanmoins, en laçant son appel, Henri Eyebe Ayissi révèle, peut-être sans le savoir, que le président national du Rdpc ne fait plus l’unanimité au sein de sa propre famille politique. Pour s’en convaincre, il n’est que de saisir le sens des agitations observées lors des opérations de renouvellement des bureaux des organes de base.

Des contestations, parfois violentes, ont émaillé le processus, renseignant à suffire sur les ambitions des uns et des autres au mépris des directives du leader naturel du parti au pouvoir. L’on peut comprendre l’appel à l’unité du secrétaire général du comité central du Rdpc, Jean Nkuete, dans son communiqué du 27 octobre.

Mais plus globalement dans le sérail politico administratif depuis un certain temps, des clans s’affichent et affirment leurs velléités successorales en soutien telle ou telle personnalité. Le cas avec le Mouvement dit des « Franckistes » plutôt favorable à la candidature du fils chef de l’État, Franck Biya. Face à lui, les bruits des affidés du secrétaire général de la Présidence de la République (Sgpr), Ferdinand Ngoh Ngoh.

Celui-ci est présenté, selon certaines indiscrétions, comme le dauphin du « clan Nanga », la tribu de la première dame. De plus en plus, Ngoh Ngoh est perçu comme un « hyper secrétaire général » en tant qu’homme à tout faire du président de la République, au point de faire ombrage au Premier ministre chef du gouvernement Joseph Dion Ngute.

Loin de les minorer, ces soubresauts internes sont, entre autres, alimentés par l’âge relativement « avancé » du chef de l’État. Une certaine opinion estime d’ailleurs qu’à presque 40 ans de pouvoir sans discontinuer, Paul Biya, 88 ans, a tout donné, il est au bout du rouleau, et par conséquent ne tient plus le gouvernail du navire Cameroun, en témoigne la délégation de signature quasi permanente dont jouit son Sgpr.

Cependant, les pontes du régime ne sont pas les seuls à se projeter sur l’après-Biya. D’autres groupes, ayant en commun un Adn communautaire, affûtent leurs armes en attendant le «grandsoir». L’appel de la Lekié pourrait seulement les galvaniser et exacerber ce repli identitaire.

Si l’on peut trouver des circonstances atténuantes au président du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn), Cabrai Libii, avec son fameux « fédéralisme communautaire », il faudrait en revanche prendre (très) au sérieux le « Mouvement 10 millions de nordistes » initié par le journaliste Gui-baï Gatama. Ce mouvement agrège de plus en plus des acteurs politiques du « grand Nord » qui ne font plus mystère de leur intention de récupérer le pouvoir, après le régime du président Ahmadou Ahidjo.

Parmi eux, Aboubakar Ousmane Mey, frère aîné du ministre de l’Économie de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, Alamine Ousmane Mey, qui n’a pas bredouillé sur les mots en déclarant au cours de l’émission “La Vérité en face” le 10 octobre dernier sur Équinoxe Tv : « On va mettre du nucléaire dans nos deux réacteurs. » Président de l’Ong “Justice plus”, il a clairement identifié ses adversaires de demain. « On va les affronter ! Que ce soit le réseau Ngoh Ngoh, Franck, que ce soit Motaze (l’actuel ministre des Finances, ndlr), on va les affronter. Le grand Nord va les affronter. Qu’ils le veuillent ou non, on sera là ! »

Ces batailles épiques sont annoncées alors même que le retour de la paix n’est pas encore acquis dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et qu’entre temps les groupes armés séparatistes se sont radicalisés, t’est à se demander si les élites du département de la Lekié ont mesuré la portée de leur acte.