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Opinions of Thursday, 19 May 2022

Auteur: Serge Aimé Bikoi

Cameroun : le défilé du 20 mai divise le Sdf

John Fru Ndi, Jaen Michel Nintcheu et Emmanuel Ntonga John Fru Ndi, Jaen Michel Nintcheu et Emmanuel Ntonga

Tout porte à croire qu'on s'achemine vers la fragmentation du Sdf. À l'occasion du cinquantenaire de la fête nationale du Cameroun, le parti de la balance est divisé au sujet de la participation au défilé. Dans un communiqué rendu public hier (18 mai 2022), les présidents régionaux du Sdf pour le Centre et pour le Littoral s'opposent aux conditions fixées par les autorités administratives, notamment celle relative à la monstration des seules effigies de Paul Biya.

Emmanuel Ntonga et ses pairs du Sdf pour le Centre optent pour la logique du boycott parce qu'ils ne veulent pas se soumettre à l'obligation de faire des louanges à la gloire du Président de la république tant le Préfet du département du Mfoundi leur impose de ne porter que des effigies du Chef de l'État. Pour le président régional du Sdf pour le Centre, le pouvoir de Yaoundé renforce, à travers cette exigence, "l'État totalitaire et dictatorial".

Autre conditionnalité non des moindres motivant le boycott du défilé du 20 mai par le Sdf, c'est l'interdiction de porter les insignes du parti de la balance et de son leader. Au regard de cet état de choses, la figure de proue du Sdf pour le Centre appelle les militants à rester chez eux. "Tout militant ou cadre du parti, explique Emmanuel Ntonga, qui prendra part à ce défilé, devra être conscient de son soutien implicite au régime en agonie, qui voudrait adapter l'État d'épuisement d'un homme, dont la soif de se maintenir, vaille que vaille, au pouvoir, est proportionnelle à la honte qu'il fait subir aux 25 millions de Camerounais dans ses quelques apparitions publiques".

Le parti, dont le chairman Ni John Fru Ndi tient les rênes, déplore l'importation de certains individus, au nom du Sdf, qui ont participé, hier, aux répétitions générales du défilé civil et qui prendront part à cette parade contre forte rétribution pécuniaire. "Chacun devra en tirer les conséquences lui-même", clame E. Ntonga. Rappelons que le 20 mai 2018, avec la persistance de la crise anglophone dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le Sdf pour le Centre s'était engagé à défiler torse nu au boulevard en présence de la communauté nationale et des représentations diplomatiques. Cette manifestation avait pour cible le gouvernement camerounais, qui avait fait preuve de légèreté dans la gestion de cette crise sécuritaire avec des milliers de soldats et des jeunes séparatistes tués, près de 4000 civils morts, plus 60.000 réfugiés à l'intérieur comme à l'extérieur. Le Sdf pour le Centre s'était, dans la même veine, décidé à ne plus participer à la parade civile au cas où cette crise, qui a détruit le pays en général et cette formation politique de l'opposition en particulier, persistait. "Cinq ans plus tard, constate Ntonga, la situation est presque inchangée".

Signalons que le Sdf pour le Littoral, dont le président régional est Jean Michel Nintcheu, a également appelé les militants à boycotter le défilé du 20 mai. L'homme politique fustige le comportement cupide, boulimique et corrompu d'un vice-président à qui le Préfet du département du Mfoundi a adressé, ces derniers jours, une correspondance, dont l'objet est "demande de participation au défilé du 20 mai 2022". Dans la tribune libre publiée hier soir, J.M. Nintcheu affirme : "La sous-traitance corrompue du Rdpc au sein du Sdf en la personne d'un des vice- présidents nationaux est en pleine manœuvre de justification des fonds reçus du cabinet civil dans la perspective de faire participer, coûte que coûte, le parti au défilé du 20 mai prochain. Dans une initiative unipersonnelle, il a adressé une correspondance au Préfet du département du Mfoundi pour quémander le droit de participation à ce défilé". Le député Sdf du Wouri-Est soutient que le trahison, la roublardise et le double jeu permanent sur fond de cupidité dudit vice-président ne saurait engager l'ensemble du parti. De plus, cette figure politique ajoute: "En 32 ans d'existence, le Sdf n'a jamais entrepris une telle démarche dans la mesure où il revient à l'autorité administrative d'adresser, en premier, des correspondances aux partis politiques pour des réunions préparatoires à un défilé". Chose curieuse, Nintcheu nous apprend que ce responsable politique a poussé son ignominie, en court-circuitant les instances régionales(comité exécutif régional et coordination départementale) du parti. Pourtant, ce sont ces organes qui ont la charge statutaire d'organiser la participation au défilé civil de cette formation politique.

Ni John Fru Ndi encerclé par l'aile dure du Sdf

La question de la participation du Sdf au défilé divise l'aile dure et l'aile modérée. En effet, alors que la faction dissidente constituée de quelques présidents régionaux opte pour la modalité du boycott, l'un des vice-présidents nationaux va prendre part à cette parade civile. La preuve à travers la correspondance du Préfet du département du Mfoundi adressée à ce dernier en date du 16 mai 2022 en signe de réponse à sa demande de participation audit défilé, l'autorité administrative demande aux cadres et militants de "porter les pancartes à l'effigie de Paul Biya au cours du défilé du 20 mai prochain". Il est exigé à ce mandataire du Sdf, dont l'identité n'est pas dévoilée, "d'aligner deux carrés, 49 défilants par carré dans le respect des consignes ci-après : le port obligatoire du masque; avoir un test covid négatif de moins de 48 heures; l'interdiction des slogans, pancartes ou textes non- approuvés par le cabinet civil ; l'interdiction de faire usage du téléphone pendant le défilé ; pas d'effigie en dehors de celle du Président de la république, etc". Hier, lors des répétitions générales, des individus brandissant le ruban du Sdf à l'effigie du parti de la balance ont défilé. Le Préfet du Mfoundi a, sans doute, usé de la ruse, en occultant le nom du mandataire à qui a été transmise sa correspondance liée à la participation au défilé. Adresser ladite correspondance au "vice-président du Sdf" alors qu'il y en a cinq au sein du directoire relève d'une tactique pour brouiller les cartes. Mais par ordre de préséance au sein du directoire, chacun(e) peut deviner de qui il s'agit dans le jeu des conjectures scolastiques. Sans conteste, L'aile radicale et l'aile modérée restent donc diamétralement opposées à la participation ou non au défilé du 20 mai. Avec la disparition des caciques du Sdf appartenant à l'aile dure, à l'instar de Joseph Mbah Ndam, Joseph Banadjem, Francis Sama, etc qui protégeaient le chantre du paradigme du "power to the people", Fru Ndi est, aujourd'hui, mis en minorité. D'où l'encerclement du leader national par le dernier des mohicans parmi les contestataires du parti qu'est J.M. Nintcheu soutenu par d'autres dissidents non des moindres dans les sections régionales du parti. Au finish, comment le chairman Ni John Fru Ndi va-t-il gérer ce schisme fort visible entre les deux branches viscéralement écartelées? Bien malin qui pourrait répondre à cette question.