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Opinions of Friday, 29 October 2021

Auteur: Serge Aimé Bikoi

Cameroun : la région du Sud prépare l'après Biya

La rencontre fraternelle du Sud organisée il y a quelques semaines par le ministre des enseignements supérieurs Jacque Fame Ndongo repose sur un agenda caché. Le journaliste et socilogue Serge Aimé Bikoi livre les dessous de cette rencontre.


Les élites de la région du Sud se sont réunies, il y a plus d’une semaine, à l’effet de discuter des problèmes de développement qui se posent avec acuité dans cette aire culturelle. Entre autres points débattus, figurent le retard dans le développement infrastructurel en eau, électricité, routes, Tic; les difficultés d’accès des jeunes aux élites, la faiblesse des structures d’entrepreneurship et les problèmes d’emploi auxquels les jeunes sont confrontés. Si cette rencontre fraternelle du Sud est salutaire, il est impérieux, tout de même, de noter qu’à trois niveaux, cette assise pose des problèmes au rang desquels figure celui du nombrilisme.

De manière globale, le « grand dialogue régional » du Sud relève de certains critiques contemporains appellent le phénomène de la paléopolitique. En effet, cette terminologie réfère à une espèce de politique du passé rétrograde, qui mérite d’être disséquée autant au niveau macrosociologique, au niveau mésosociologique qu’au niveau microsociologique.

Au niveau macrostructurel, la rencontre fraternelle du Sud incline à constater que le Cameroun continue de reproduire le nombrilisme et l’ethnocentrisme. Toute chose qui éloigne le commun des mortels de la logique de L’État-nation. Sans conteste, l’élite du Sud autorise et encourage le repli communautaire de manière à aider au renforcement des passions identitaires, dont l’écueil est la fixation sur le communautarisme ethnique au détriment du sentiment national, de l’unité nationale et de l’intégration nationale.
se généralise et secrète la fragmentation et la cristallisation identitaires de par et d’autres. Au lieu d’opter pour les réflexions globalisantes en matière de développement pour sortir de l’ornière du sous-développement, des discussions sectorielles régionales, communautaires et villageoises sont érigées et renforcent toutes formes d’irredentisme et de sectarisme.

Au niveau mésosociologique, la rencontre fraternelle du Sud permet de débusquer, de manière manifeste, les rivalités entre les lobbies dans la problématique de la conquête du pouvoir. En fait, face au questionnement autour de la dynamique de la transition à la tête de l’État, il y a, à l’approche du Grand Soir, des groupes ethniques qui se positionnent pour un éventuel remplacement de l’actuel chef central du pays.

Les figures bureaucratiques du Sud, qui ont tenu cette assise, se recrutent parmi les barons pour la plupart membres du gouvernement camerounais, qui pilotent le pays organisateur, et qui sont susceptibles de travailler au maintien, voire à la pérennisation de l’actuel Chef de l’État au trône.
Dans le Centre, la communauté ethno-tribale Nanga Eboko, dans la Haute Sanaga, et dont la figure de proue est le ministre d’Etat Secrétaire général de la Présidence de la république, tient, elle aussi, les manettes et est capable, à un moment déterminé de l’histoire, de gérer le scénario de la transition à la tête de l’Etat.

Il en est de même du septentrion structuré autour de trois régions du pays, dont les élites expriment le vœu de reprendre le pouvoir après le départ, en 1982, de l’ancien premier Président de la république du Cameroun. La création du mouvement « 10 millions de Nordistes », dont les objectifs et desseins sont déclinés par l’initiateur, n’est pas un acte gratuit tant en arrière-plan, se profilent les figures qui œuvrent pour le contrôle, à nouveau, de ce lobby aux ambitions pouvoiristes. L’Ouest, le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et le Littoral n’en sont pas épargnés dans cette bataille pour la régulation du Grand Soir.
Au niveau microsociologique, la rencontre fraternelle du Sud est, a posteriori, l’expression des positionnements individuels, voire individualistes, dont l’enjeu est de se faire une cure de popularité et de légitimité. En réalité, cette assise intervient dans un contexte crisogène marqué du sceau des tensions et des dissensions survenues lors du renouvellement des organes de base du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc).

L’incendie de la sous-préfecture de Bengbis, les échauffourées entre le sénateur de l’océan, Gregoire Mba Mba, et les militants de base et le blocage de la route Ebolowa-Kribi en passant par Akom2 sont des indicateurs qui témoignent de la fissure dans la région native du Président de la république.

Toute chose qui incite bien de personnalités politiques de cette partie du pays à se remobiliser dans le dessein d’aplanir les divergences et de trouver des solutions idoines à la problématique du mal développement dans lequel croupissent les populations locales 39 ans après l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême.