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Actualités of Mardi, 12 Octobre 2021

Source: Le Jour

‘Le pouvoir du mensonge’ : le livre qui dérange au Cameroun

“Le pouvoir du mensonge” de Jean-Baptiste Homsi ne sera pas dédicacé comme prévu ce jour à Douala. Motif : il dérange le pouvoir. Retour sur le contenu et l'auteur de cet écrit.

Dans « Le pouvoir du mensonge », Jean-Baptiste Homsi revient sur son séjour de neuf mois à la prison centrale de Yaoundé, à la suite de son arrestation, le 28 janvier 2019 au domicile d’Albert Dzongang à Douala.

Il y a une phrase qui revient sans cesse. Comme une ponctuation au coeur de l’histoire que raconte Jean-Baptiste Homsi. « Quand la vérité embarrasse la justice, on entre dans l’arbitraire ». Vérité, justice, arbitraire, autant de termes qui renvoient à la morale, fort présente dans le récit que fait l’auteur de ses neuf mois de détention à la prison centrale de Yaoundé. Rien de surprenant en fait pour ce fervent croyant catholique.

« Si je m’intéresse à la justice, c’est parce qu’en défendant la vérité, la justice m’a privé de liberté. En scrutant ma vie de chef d’entreprise, comme celle de chrétien pratiquant, je me suis rendu compte que sans la liberté, l’homme ne peut s’épanouir. Ne voulons-nous pas que l’homme s’épanouisse ? », écrit-il. Pour avoir marché pacifiquement le 26 janvier 2019 et surtout pour s’être retrouvé le 28 janvier chez Albert Dzongang parce qu’il s’inquiétait pour la vie du président du MRC, Maurice Kamto, Jean-Baptiste Homsi s’est retrouvé derrière les barreaux, sans s’y être préparé le moins du monde.

« Après entretien avec les codétenus, nous sommes surpris d’apprendre que nous sommes des casseurs de l’ambassade du Cameroun en Allemagne et en France, nous sommes des terroristes », rappelle-il. Il ajoute plus loin : « J’ai ainsi découvert à mon corps défendant ce qu’on appelle mensonge d’État. C’est un virus contre lequel il faut lutter avec acharnement. Il est inacceptable qu’une cellule noire de l’État organise et diffuse des informations fausses ; l’État ne peut pas être immoral. L’État doit être garant de la moralité des informations diffusées et de la moralité des citoyens ». C’est certainement pour contribuer à lutter contre le « mensonge d’État » que l’ancien prisonnier politique a choisi de raconter ses mémoires de prison à travers « Le pouvoir du mensonge », un livre de 306 pages qui vient de paraître aux Editions du Schabel à Yaoundé.
Bien plus qu’une histoire personnelle, ce livre est le témoignage de l’enfer vécu par des centaines de personnes qui ont choisi de s’opposer à un régime liberticide. C’est l’histoire commune de ces personnes qui à Yaoundé, Douala, Bafoussam, Bafang ou Dschang sont sortis pour dire non au hold-up électoral, pour revendiquer des comptes sur l’organisation manquée de la coupe d’Afrique des nations par le Cameroun en 2019, pour s’insurger contre la guerre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. C’est une tranche de la vie de ceux qui ont été désigné à Kondengui « les kamtos ».

Charles Blé Goudé

En sept chapitres, l’auteur revient sur les affres de la vie en prison, il « nous invite à partager avec lui l’expérience de la vie carcérale avec son cortège de douleurs silencieuses », comme le dit Charles Blé Goudé dans la préface.

C’est surtout le récit d’un univers particulier, avec ses codes et ses règles. Un univers où on réapprend à vivre. Jean-Baptiste Homsi y a découvert beaucoup de choses et y a survécu en menant une vie spirituelle rigoureuse, en pratiquant du sport et beaucoup de lecture. En prison, il a appris à redécouvrir les hommes et s’est fait une autre idée de la vie. D’où sa présentation de Kondengui comme une école, une école d’humilité, une école de résistance…


« Le pouvoir du mensonge » est aussi un témoignage de la brutalité du pouvoir en place à l’endroit de tous ceux qui s’y opposent. Il documente les faits de torture subis par des Camerounais qui ont eu pour seul tort de penser différemment. Jean-Baptiste Homsi a été arrêté pour ses opinions et son séjour en prison ne les a pas changées. Bien au contraire. Son livre donc, au-delà du récit de ses souvenirs de prison, revient sur ses idées. Il évoque des questions comme la gestion du pays, la crise anglophone, le grand dialogue national. Il mène également la réflexion sur le chrétien au service de la société et présente des modèles qui ont ficelé sa pensée et son engagement à l’instar de Gandhi, Martin Luther King, Laurent Gbagbo, Um Nyobe ou encore Maurice Kamto…


Un séjour en prison, surtout dans les conditions qu’offre le pénitencier de Kondengui est forcément un mauvais moment à passer, une histoire triste à raconter. Mais, il peut aussi ouvrir une voie pour de meilleurs moments à venir. « Ce livre est une lueur d’espoir, car il puise en l’espérance et démontre à ceux qui souhaitent abandonner que seul l’engagement de personnes de conviction, de foi et d’amour permettra à notre pays de s’en sortir », lit-on en quatrième de couverture. Jean-Baptiste Homsi, 68 ans, est un capitaine d’industrie retraité. Il a été président fondateur de Patrons et dirigeants chrétiens (PADIC), président fondateur de la zone Afrique de l’Union internationales des associations patronales chrétiennes (UNIAPAC) et vice-président mondial de cette association.