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Opinions of Mercredi, 31 Janvier 2018

Auteur: Hurinews.com

Enlèvement: le Nigéria a-t-il osé faire cela à Sisiku Ayuk et compagnie?

Sisiku Ayuk Tabe, leader des indépendantistes anglophones du Cameroun Sisiku Ayuk Tabe, leader des indépendantistes anglophones du Cameroun

En livrant les leaders sécessionnistes anglophones aux autorités camerounaises si on en croit ces dernières, l’Etat du Nigéria a menti aux responsables du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. La communauté internationale vivement interpellée.

Les autorités nigérianes ont donc roulé le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) dans la farine. Après avoir fait la promesse-du moins si l’on en croit le communiqué du HCR du 24 janvier dernier- de ne pas transférer au Cameroun la dizaine de membres du conseil du gouvernement de la république virtuelle d’Ambazonie (Southern Cameroon) détenu à Abuja depuis leur arrestation le 5 février dernier, le pouvoir nigérian a visiblement retourné la veste et livré les leaders indépendantistes anglophones à la justice camerounaise.

Dans un communiqué rendu public ce lundi 29 janvier 2018, le ministre camerounais de la Communication, porte-parole du gouvernement assure qu’une quarantaine de militants anglophones parmi lesquels Sisiku Ayuk Tabe, le président du conseil du gouvernement de l’Ambazonie, sont à Yaoundé et ont été mis à la disposition de la justice camerounaise. Pourtant, jusqu’à cette date vers 11H, les responsables du HCR ont rassuré la rédaction de hurinews.com de ce que les leaders séparatistes étaient encore détenus au Nigéria.

Tout porte donc à croire que le régime de Muhamadu Buhari s’est foutu de la gueule du HCR. Nous ne reviendrons pas sur les conditions de cette extradition qui semblent exhaler une forte odeur de voyeurisme d’Etat. Tout comme les raisons de ce revirement nigérian nous importe peu. Il est cependant surprenant que malgré les craintes formulées par Amnesty international récemment, le régime d’Abuja ait livré ces personnes à un pays black-listé par les organismes internationaux de défense des droits humains comme l’un des pires élèves en matière de respect des droits de l’homme.



Il est incompréhensible que le Nigéria ait jeté ces leaders indépendantistes dans la gueule de Paul Biya, le loup camerounais qui depuis 35 ans, dévore de millions de ses compatriotes à coup de hold-up constitutionnels, de fraudes électorales, de clientélisme, de terreur, de répression, de parodie de procès, etc. Le 23 décembre 2014, le dictateur camerounais a promulgué la loi anti-terroriste pour « terroriser » ceux qui seraient tenté de contester bruyamment son pouvoir tyrannique.

Les militants anglophones qui se battent depuis plus d’un an pour leur autodétermination en font l’amère expérience. Pour avoir revendiqué le retour à une légalité républicaine (le fédéralisme) massacrée par Amadou Ahidjo en mai 1972 à travers un référendum anticonstitutionnel (il violait la constitution fédérale du 20 septembre 1961) en vue de la proclamation d’un Etat unitaire, puis par Paul Biya en janvier 1984, des contestataires anglophones sont persécutés, torturés, tués, contraints à l’exil et même traqués jusqu’à leur exil. La communauté internationale, au nom du pétrole qui git dans la partie anglophone du pays, regarde sans mot dire.

Oui, la communauté internationale est responsable de ce qui se passe dans la zone anglophone au Cameroun. Car ce n’est qu’avec sa complicité que cette extradition des leaders sécessionnistes sous la protection internationale a pu s’effectuer. L’ONU est responsable depuis les indépendances au début des années 1960. Elle est restée taiseuse lorsque les régimes Ahidjo et Paul Biya ont entrepris dès 1972 de remettre en cause la forme fédéraliste de l’Etat pour asseoir un Etat unitaire devant aboutir à la phagocytose de la minorité anglophone au gré des intérêts de la France.


Sisiku Ayuk Tabe, leader des indépendantistes anglophones du Cameroun
Les Etats-Unis, la France, l’Angleterre, le Commonwealth, la Francophonie se sont contentés juste de condamner la répression des manifestations pacifiques du 1er octobre dernier dans les deux régions anglophones tout en montrant leur attachement à un Etat unitaire pourtant assis sur une base illégale. Ces puissances occidentales ont également appelé au dialogue sans prendre des dispositions pour qu’il ait effectivement lieu.

Le monde entier regarde la situation sur le terrain pourrir sans mot dire. Le monde entier regarde la soldatesque du régime de Paul Biya emprisonner, massacrer et torturer les populations dans les villages de la zone anglophone sans réagir. Les positions se radicalisent. La minorité anglophone pense de plus en plus à l’indépendance du Southern Cameroon. Cette indépendance que l’ONU lui refusa en 1961. Le pouvoir ne l’entend pas de cette oreille non plus et sort le muscle. Il envisage le démontrer dans quelques jours lors du procès de Sisiku Ayuk Tabe et Cie dont il a déjà une idée du chef d’accusation et même de la peine. Qui sait ?