Réligion of Friday, 9 June 2017

Source: Ebug Nti

Affaire Mgr Bala: le silence des autorités inquiète les Camerounais

Le mutisme de l’autorité publique et judiciaire crée un véritable malaise autour de la mort de l’évêque de Bafia.

Voilà cinq jours que la dépouille de Mgr Jean-Marie Benoît Bala a été ramené sur les berges de la Sanaga, sous le pont d’Ebebda. Cinq jours que l’on a annoncé le début de l’autopsie et le début d’une enquête policière. Cinq jours que l’opinion publique scrute les indices pour comprendre la fin pour le moins tragique du très discret pasteur. Cinq jours que la communauté catholique du Cameroun, celle particulière de Bafia et la famille du défunt espère donner un motif à leur deuil.

Cinq jours, mais l’on a toujours aucune communication officielle sur les causes, ne serait-ce que les premières éléments d’enquêtes sur cette tragédie. Autant l’on peut saluer le travail d’information qui a été fait pendant les recherches jusqu’à la découverte du corps, autant l’on déplore le silence que l’on observe depuis lors ; un mutisme de plus en plus éloquent.

Dans un environnement médiatique marqué par la vitalité explosive des réseaux sociaux, face à une Eglise catholique qui est la cible favorite d’une certaine opinion et un système gouvernant qui n’en finit plus de cristalliser la critique et la haine, ce silence laisse libre cours à toutes sortes de supputations.

Ce n’est surtout pas à l’Eglise qu’il profite. Parce que l’a priori de ce drame a savamment été construit autour du suicide. Celui d’un évêque, dans une Eglise qui n’est pas tendre avec les personnes qui se donnent la mort. Les présumées causes d’un tel acte, qui prolifèrent désormais sur les réseaux sociaux, servent d’alibi pour dire tout le mal que l’on pense de l’Eglise de Jésus-Christ.

Ce silence fait de l’Eglise un scandale au lieu de la victime qu’elle est. Elle donne l’opinion, à qui cela convient, la possibilité d’en faire un coupable, là elle est l’éplorée et est en droit gravement légitime de réclamer des explications.

Ce silence laisse planer le doute dans les esprits. Ceux de fidèles dont la foi est déjà prise à partie au quotidien et fragilisée par un environnement agressif et très réfractaire à ses valeurs. Ce silence jette l’opprobre sur des pasteurs à qui l’on reproche, pas toujours à tord, de ne plus être le modèle espéré. Souvent par généralisation, par ignorance ou par volonté de nuire, en focalisant sur des faits qui ne peuvent être, ni qualificatifs de l’être entier de l’individu, ni de l’espèce entière.

Ce silence pourrait perdre des oilles à qui l’on ferait sans doute le reproche de la faiblesse de la foi, mais qui n’en seraient pas moins perdus parce qu’on aura laissé exister un lieu de fourvoiement dont peuvent se saisir les diseurs de boniments pour créer la confusion et les mettre en déroute.
Ce mutisme fait-il donc les affaires de l’autorité public ? Difficile d’y répondre. Mais l’on aurait tendance à s’accorder avec cet adage populaire d’ici qui affirme que « qui ne dit mot consent ».

La thèse grotesque du suicide apparaissant désormais complètement hors de propos, même si elle reste de l’ordre de l’éventualité dans l’absolue, il est de la responsabilité et du devoir du procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, qui instruit l’affaire et de la police judiciaire de tenir l’opinion informée de l’évolution de l’enquête.
Certes, il y est dans l’ADN de ce système de ne jamais rendre de compte. Mais le silence, plus qu’à n’importe quelle autre occasion, contribue à accréditer les multiples mobiles d’assassinat qui fleurissent sur les réseaux sociaux et les médias. Des thèses qui mettent en cause les barons du régime de Yaoundé, en rapport avec des réseaux vicieux, affreux et inhumains d’exploitation sexuelle.

Ce silence contribue à banaliser le meurtre. A mettre en danger la vie des évêques, pasteurs, prêtres, religieux et religieuses que l’on pourrait désormais assassiner sans rendre compte. Faire une mise en scène, un montage grotesque et léguer à la société et à la postérité un traumatisme et une macabre dont elles peineront à se relever.

L’on ne peut pas continuer à assassiner des hommes et femmes sans que ces crimes ne soient élucidés et leurs auteurs condamnés. Laissant des familles meurtries, inconsolables et traumatisées. L’on ne peut pas continuer à tuer des religieux et religieuses sans que la vérité de ce ciblage particulier ne soit révélée.

L’on ne peut pas assassiner un évêque, mettre grossièrement en scène un suicide, manœuvrer à maculer sa mémoire de toutes sortes de choses, laisser fleurir toute sorte de motifs présumés tel qu’on lit ci et là et dormir tranquillement comme s’il ne s’était rien passé.