Bonaventure Christian Obada Mboé affirme avoir eu le privilège d’être celui qui avait attiré l’attention des services de sécurité sur l’effectivité d’un sanglant mouvement d’envergure destiné à renverser les institutions républicaines et celui qui les incarnait. Malheureusement, ses dénonciations n’avaient pas été prises au sérieux. Des promesses à lui faites en reconnaissance de son patriotisme par des personnalités ayant autorité sont restées lettres mortes. D’où cette correspondance adressée à Paul Biya.
Comme il l’avait fait en septembre 1983, soit sept mois avant, pour dénoncer le putsch manqué du 6 avril1984 qui avait mis à mal les institutions républicaines, endeuillé des familles entières et plongé le pays dans une psychose indescriptible, Bonaventure Christian Obada Mboé naguère mû par un élan patriotique, a encore aujourd’hui choisi d’écrire. Mais les destinataires ne sont plus les mêmes d’il y a 30 ans.
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Cette nouvelle correspondance dont l’objet : «en rapport avec le putsch manqué du 6 avril 1984» est adressée à Paul Biya président de la République, chef de l’Etat. Elle n’est pas destinée cette fois-ci à éventrer le coup d’Etat qui avait failli l’éjecter du pouvoir et lui coûter la vie, mais pour révéler l’existence de son expéditeur à son destinataire, insister sur ses talents et aptitudes d’informateur « A1 », dénoncer auprès de sa haute personnalité ceux qui au courant, auraient pu faire éviter ce bain de sang inutile, et pour définir son rôle hélas hautement minimisé dans la prévention de cette sanglante insurrection armée.
Selon cet administrateur d’entreprise aujourd’hui âgé de 69 ans, mis au parfum d’un coup de force dont l’imminence se précisait, il avait commis un rapport secret manuscrit adressé par ses soins aux différents responsables des forces de défense et de sécurité. Ce précieux document qui aurait pu être salvateur détaillait au menu la préparation du tragique baroud du déshonneur des jeunes officiers subalternes du « Mouvement j’Ose » à l’assaut du palais présidentiel d’Etoudi à Yaoundé et de son locataire, et dont l’exécution aurait pu être étouffée dans l’œuf.
En dépit de cette alerte rouge, l’alors chef d’Etat-major des Armées, le général d’armée Pierre Semengué et le délégué général à la Sûreté nationale à l’époque des faits, le commissaire divisionnaire de Police Martin Mbarga Nguélé, informés en temps réel, n’avaient pu faire avorter ce macabre projet.
Mettant au défi ces personnalités heureusement encore en vie et dont les services sont toujours actuellement sollicités, trois décennies après ces tristes événements, l’auteur de la correspondance émet le souhait de faire ouvrir par Paul Biya, une enquête sur la préparation, la réalisation et l’après-putsch du 6 avril 1984 dont les douloureux souvenirs peuvent choquer, mais qui valent cependant la peine d’être évoqués.
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Cette éventualité est davantage réalisable, en raison de ce que les protagonistes de cette affaire sont encore en vie. Il s’agit de Pierre Semengué, général d’Armée quoiqu’admis en deuxième section des officiers généraux des forces de défense, il reste néanmoins encore actif dans la conduite des dossiers stratégiques de la sécurité nationale, et de Martin Mbarga Nguélé, Commissaire divisionnaire à nouveau promu délégué général à la Sûreté nationale.
Complicités et interrogations
Avaient-ils réellement fait leur travail, ou alors comme ils l’auraient prétendu, selon Bonaventure Christian Obada Mboé, obéi aux instructions de Paul Biya de « laisser faire », question d’avoir à exhiber aux yeux de l’opinion nationale et internationale « la preuve que des gens en voulaient à sa vie, et par voie de conséquence, renverser les institutions républicaines » ? Mais l’auteur de la correspondance reste sceptique face à cette douteuse éventualité et est t enté de pe ns er que la course par les chemins de traverse à la succession de Pau l Biya, et la mise sur orbite de la nébuleuse «G11» remonte à ces temps- là.
Contrairement au général Pierre Semengué, Martin Mbarga Nguélé avait été rattrapé par les insurgés qui lui avaient infligé des pires tortures, l’avaient déshonoré, et endeuillé sa famille. « Le divisionnaire de Police voulait-il ainsi démontrer qu’il avait été surpris ou donnait-il l’impression de l’avoir été » ? S’interroge le correspondant du chef de l’Etat qui affirme qu’après lui avoir remis le rapport manuscrit détaillant les contours de ce putsch, «heureusement manqué», Martin Mbarga Nguélé l’avait délibérément livré aux mutins.
L’alors délégué général à la Sûreté nationale avait bien lu et pris connaissance des noms des personnes qui étaient impliquées dans ce coup de force. Curieusement, ne faisant pas cas de son existence, le patron de la Police avait appelé en la présence de son précieux in formateur, un présumé mutin, vraisemblable ment un des lead ers de ce mouvement séditieux, haut fonctionnaire de Police.
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Le nom de celui qui était alors directeur des renseignements généraux à la Délégation générale à la Sûreté nationale avait pourtant été mentionné par les soins du délateur d ans c e rapport qui se voulait absolument secret. A ce responsable des renseignements généraux, le délégué général de la Sûreté nationale avait malheureusement intentionnellemen t remis ce document. Les représailles contre Bonaventure Christian Obada Mboé, le rédacteur du document secret capital n’avaient pas attendu.
En février 1984, deux mois avant l’échéance funeste du 6 avril 1984, une escouade de policiers de la Police judiciaire, armés jusqu’aux dents, sous le commandement du commissaire divisionnaire Ahmadou Sadou, avait débarqué à bord de quatre véhicules chez l’infortuné informateur, et s’étaient saisis de lui.
L’officier supérieur de Police commandant le détachement expéditionnaire punitif avait lui aussi été mis en copie du rapport sulfureux dont le malheureux rédacteur, éberlué , avait vertement été apostrophé par le surprenant et patibulaire détenteur de l’exemplaire du document secret : « par un simple stylo à bille, pensez-vous faire échec au plan d’Allah » ?
Le directeur des Renseignements généraux de la Délégation générale à la Sûreté nationale, et le commissaire divisionnaire Ahmadou Sadou de l’institution de la rue Monseigneur Graffin lui avaient ensuite déclaré qu’ils allaient le mettre « au frais » mais qu’auparavant, ils allaient «d’abord s’occuper du chef de l’Etat». Comment ? La réponse avait coulé de source. Ce qui ne fut pas le cas de la demande d’informations en complément adressée au Délégué général à la sûreté nationale par Le Courrier. Martin Mbarga Nguélé est resté muet face à nos préoccupations.
Légèretés
D’après Bonaventure Christian Obada Mboé, écrit par ses soins, ce rapport dénonciateur de premier ordre et de première valeur était rigoureusement inattaquable. Depuis Douala, il aurait saisi le Commissaire divisionnaire Pierre Minlo’o Medjo l’alors délégué provincial de la Sûreté nationale du Littoral, des affreux préparatifs de ce putsch qui impliquait la très active participation d’un ressortissant malien et d’un sujet français. Ce dernier coordonnait les opérations depuis son Hexagone natal.
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Cette incurie qui selon l’auteur de la correspondance dénotant d’une inconscience professionnelle, avait même débouché sur l’interpellation de sa sœur cadette.
Après qu’elle ait eu séjourné pendant quatre jours dans les locaux cellulaires du commissariat de police spéciale de la Régie nationale des chemins de fer, la malheureuse avait par la suite perdu son emploi. On espérait ainsi qu’elle conduise la Police judiciaire jusque vers Bonaventure Christian Obada Mboé, son impertinent délateur de frère qui s’était retiré à Oyeng Mefindi par Nkolmetet, son village natal.
Pour corroborer ses affirmations et leur donner plus grand crédit, ce patriote dont le haut fait est resté méconnu du chef de l’Etat, évoque la possibilité par l’illustre destinataire de la correspondance, de commettre une « petite enquête» à l’effet de vérifier la véracité de ses propos. La chose serait possible auprès du général Pierre Semengué qui avait photocopié ce rapport avant de recommander son rédacteur à Martin Mbarga Nguélé.
Bien des années plus tard, il semble que le Délégué général à la Sûreté nationale avait révélé à des proches, l’existence d’un citoyen qui le premier, avait fait état de ce putsch manqué dans un rapport circonstancié. Des copies de ce rapport seraient jointes au procès-verbal de l’audition de ce citoyen à la Direction nationale de la Police judiciaire d’Elig-Essono à Yaoundé, avant son emprisonnement en février 1984. Trente ans ont passé.
Quelques jours après qu’il ait été reconduit à son poste de délégué général à la Sûreté nationale, Martin Mbarga Nguélé qui aurait bien reconnu le service rendu à la République par Bonaventure Christian Obada Mboé, lui aurait par la suite confié que l’institution de sécurité dont il était à la tête ne disposait pas d’instrument financier, mis à part des encouragements verbaux, à même de désintéresser des patriotes tels que lui. Promesse aurait été alors faite par le chef de la Police camerounaise, dans la mesure de ses possibilités, de l’aider par l’octroi des marchés publics qu’il devrait exécuter en guise de rétribution pour son haut fait resté méconnu. En pure perte.
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Et de guerre lasse en vaine attente, dans sa quête de reconnaissance de sa bravoure par certaines autorités, le héros désabusé avait frappé à diverses portes. Le patriarche Ferdinand Koungou Edima de regrettée mémoire, interpellé, aurait en son temps, remis une copie de cette requête à Joseph Anderson Lé, son gendre, directeur adjoint du Cabinet civil de la Présidence de la République afin de la porter à la connaissance de Paul Biya. Cette correspondance, manifestement, est restée lettre morte.
Oubliettes
Davantage, au « héros » de l’ombre méconnu, méprisé et ignoré, l’assurance avait été faite par Titus Ebogo, colonel à la retraite, et ancien commandant de la Garde présidentielle, saisi de « l’attitude ingrate » de Martin Mbarga Nguélé, d ’inter céder en sa faveur auprès du délégué général à la Sûreté nationale.
Nonobstant la distance que Martin Mbarga Nguélé a toujours bien voulu mettre entre son précieux informateur d’il y a trente ans et lui, Obada Mboé a continué néanmoins à lui apporter ses conseils. Devant un tel oubli de sa personne, de la bravoure dont il a fait preuve, et face aux barrières destinées à le décourager celui qui se réclame d’un patriotisme indéfectible, le recours épistolaire au chef de l’Etat a semblé être l’unique voie.
S’excusant après du président de la République d’avoir été obligé à ouvrir une page triste de l’histoire du pays, il « prie le Seigneur Jésus-Christ de bénir la vie de Paul Biya pour des lendemains toujours rayon nants pour ce Cameroun qu’il souhaite sincèrement émergeant autant pour l’ensemble de ses compatriotes que pour lui, sous la clairvoyante conduite du destinataire de sa correspondance».
S’apitoyant sur l’odieuse ingratitude, la méchanceté et l’égoïsme dont il dit en être la victime, Bonaventure Christian Obada Mboé invite le garant des institutions républicaines à lire les Saintes Ecritures, notamment Esther 6, pour davantage l’édifier sur la possibilité qui existe encore de penser à lui.