Opinions of Thursday, 3 March 2022

Auteur: Raoul Sumo Tayo

Attaque à la bombe d'Ekondo Titi: les conseils d'un expert en sécurité aux soldats camerounais

Raoul Sumo Tayo Raoul Sumo Tayo

Tout en déplorant la mort du sous préfet, du maire et de plsueirs autres personnes dans l'attaque à la bombe improvisée à Ekondo Titi, Raoul Sumo Tayo, chercheur en défense et sécurité donne quelques pistes de solutions aux autorités sécuritaires, pour "traquer les poseurs de bombes et démanteler la machine qui fabrique les poseurs de ces horribles engins de mort".

Ci-dessous, les propositions de M. Tayo

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"Après la mort du sous-préfet, du maire et des autres… 'Traquer impitoyablement les poseurs de bombes et démanteler la machine qui fabrique les poseurs de ces horribles engins de mort'. Je viens d’achever la première partie d’une étude sur les engins explosifs improvisés au Cameroun et j’apprends à l’instant la mort du sous-préfet, du maire d’Ekondo Titi, du président de la section locale du RDPC, d’un de nos valeureux soldat et d’un de nos compatriotes. Au-delà de la tristesse, ce qui m’anime en ce moment c’est la colère. Au-delà des vies qui ont été brutalement arrachées, c’est le symbole qui est touché par cette attaque qui m’interpelle.

S’il est indéniable que l’État doit maintenir sa présence, cela doit se faire en respectant des procédure opérationnelles standard, notamment sur le choix des itinéraires, le choix des véhicules, l’ordre des différents éléments, la distance de sécurité entre les véhicules, par exemple. Que l’autorité ait emprunté un véhicule de représentation pour sa tournée socio-économique dans un espace réputé à risque m’interpelle.

Les indépendantistes utilisent des dispositifs filo-commandés, ce qui veut dire que le tireur choisit sa cible. Très souvent, il est renseigné des mouvements des forces et des autorités par des personnes qui leur sont acquises. Cette situation devrait nous interpeller sur la place des populations dans la stratégie anti-EEI du Cameroun dans les régions anglophones du pays.

A l’Extrême-Nord, un travail de fond a permis de placer les populations au cœur des stratégies anti-EEI du Cameroun contre Boko Haram. Aujourd’hui et de plus en plus, les comités de vigilance découvrent les zones polluées et alertent les forces armées camerounaises. Très souvent, à la vue d’indices d’EEI, les populations balisent, prennent la garde, en attendant l’arrivée des militaires. Pour ce qui concerne les attentats suicide, les populations locales contribuent à la stratégie anti-EEI du Cameroun en prévenant l’accès des bombes humaines à leur cibles, et en alertant les forces de défense et de sécurité.

Au Nord-Ouest et au Sud-Ouest, l’on peut se réjouir de l’intensification des actions d’influence au premier rang desquelles les actions civilo-militaires, mais il faut le dire, l’approche gagnerait à être optimisée. Un effort devrait être mis à la construction des contre-discours, des contre-narratifs car, il faut avoir le courage de le dire, les populations ne collaborent pas beaucoup dans ces terroirs. Quelques exceptions tout de même ont permis, à plusieurs reprises, d’éviter des drames. Mais beaucoup reste à faire dans ce domaine.
Contrairement à la guerre contre Boko Haram où un intense travail de légitimation de l’action a été fait au préalable, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, tout reste à faire si l’on veut obtenir un soutien populaire franc et massif.

C'est ici que j'attends les vrais "influenceurs".

Contrairement à ce que j’ai perçu ci-et-là, cela ne s’improvise pas. Cela se fait avec méthode et tact, l’effet final recherché étant d’agir sur l’opinion publique nationale, alliée et ennemie.

Sur cette question de la légitimation Urbi et Orbi, je disais récemment à des interlocuteurs qu’au lieu de pérorer comme on le fait jusqu’ici, la communication de la défense devrait s’évertuer à construire de contre-narratifs pertinents. Sortir du complotisme et des approches victimaires pour faire la vraie communication car dans ce domaine, les indépendantistes savent mieux que nous communiquer. Pendant que nous leur attribuons des labels « terroristes », « bandits » et autres, ils documentent tout ce qui peut nous nuire et savent où les publier, à qui les envoyer.

En réponse à notre sophisme creux, ils tiennent un discours qui séduit des pans entiers des terroirs dans lesquels ils agissent. Après on est surpris qu’aucune organisation internationale ne les considère jusqu’ici comme des terroristes.

La véritable victoire poindra le jour où les autorités réussiront à faire inscrire ces groupes dans la liste des organisations terroristes. L’une des conséquence sera la criminalisation des cotisations qui se font au vu et au su de tous, dans des tontines de la diaspora camerounaise. Pour cela il faut que les gens se mettent au travail, avec minutie. Tout le contraire de ce qui se fait actuellement au niveau stratégique.

La mort de ces valeureux compatriotes devrait nous encourager à sortir du bricolage actuel pour définir une stratégie CEID qui prendrait en compte la réalité de la menace. L’apport des partenaires internationaux du Cameroun est certes la bienvenue, mais il faut sortir de la logique du prêt-à-penser anti-EEI pour du sur-mesure. Par-dessus tout, comme le conseille un de mes maîtres à penser, il faut traquer impitoyablement les poseurs de bombes et démanteler la machine qui fabrique les poseurs de ces horribles engins de mort. Pour cela il faut revenir à la politique.

Que Dieu bénisse et protège le Cameroun".