Le politologue et enseignant à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) analyse le problème anglophone et explore les pistes de sortie de crise.
Dans sa parution du lundi 9 octobre 2017, le quotidien l’Essentiel du Cameroun (EDC) a accordé une interview au Pr Pascal Messanga Nyamding au sujet de la crise anglophone que connait le Cameroun depuis environ un an.
Pour l’enseignant de l’université «un dialogue ne tuerait personne. Dialoguer avec certaines catégories sociales n’empêcherait pas le président Paul Biya qui est un homme d’expérience à discuter également avec les anglophones», confie-t-il à EDC.
Au sujet la journée du 1er octobre 2017, le Pr Messanga soutient que «nous sommes partis d’une crise effectivement localisée, c’est-à-dire, corporatiste à une crise sociale généralisée. On l’a compris, avec l’évolution du temps, il y avait anguille sous roche. Pour preuve, ces revendications sont très fortes, elles vont au-delà de toute attente, malgré les actes visibles posés par le président Paul Biya : la libéralisation des membres du Consortium et d’un certain groupe de personnes essentiellement tournées vers des infractions que condamne notre droit pénal.
Malgré tout, la crise perdure et prend une mauvaise tournure qui a d’ailleurs causé des morts que le président a condamnées dernièrement sur son compte twitter. Mais en fin de compte, à y voir de trop près, la crise anglophone qui fut d’abord, comme je l’ai dit précédemment corporatiste, est devenu incontestablement une crise politique».
Le politologue regrette que la situation dans les deux régions se soit détériorée autant. Selon lui trois éléments pourraient justifier cette crise : d’abord «Le Cameroun s’est doté le 18 janvier 1996 d’une Constitution. On peut déplorer que la mise en place de cette Constitution ne soit pas visible. La décentralisation est inscrite dans notre Constitution. Personne ne peut véritablement comprendre que 21 ans après, on a du mal à implémenter cette traçabilité juridico-administrative, qui, comme l’indique d’ailleurs la Constitution, fait du Cameroun un Etat unitaire et décentralisée», ensuite il renchérit «le deuxième point justifiant cette crise dans sa genèse porte sur la gouvernance. C’est chaque jour qu’il a des problèmes ; quand ce ne sont pas les problèmes de l’eau, ce sont les problèmes d’électricité ou de routes. Et quand vous voyez comment vivent les Camerounais et l’absence d’infrastructures recommandées pourtant par le chef de l’Etat, il y a raison de croire que ce pays a des grands bandits, des grands filous qui brûlent l’argent, alors que le panier de la ménagère est vide», enfin «les jeunes sont au chômage et la traçabilité en matière de promotion des cadres dans l’administration reste compliquée, de même qu’il a comme un blocage des projets présidentiels. Nous sommes passés du DSCE au Plan d’urgence triennal, là aussi il n’y a pas de lisibilité.
Quand nous voyons des gens qui ne peuvent même pas se faire soigner convenablement, tout cocktail a incontestablement contribué à faire émerger une crise comme celle que nous vivons aujourd’hui entre les compatriotes francophones et anglophones. Si on peut reconnaitre que les anglophones sont partout, occupent sur le front, des postes de pouvoir et de décision, ils sont malheureusement absents des postes symboliques de l’Etat».