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Actualités of Samedi, 8 Septembre 2018

Source: camerounliberty.com

Le Cameroun court le risque d’une somalisation - Christian Penda Ekoka

Entretien réalisé en 2006,soit  12 ans avant la crise anglophone Entretien réalisé en 2006,soit 12 ans avant la crise anglophone

La « campagne d’assainissement » lancée il y a deux semaines par les pouvoirs publics, à travers l’interpellation de quatre anciens directeurs généraux d’entreprises publiques, ramène au devant de l’actualité le problème de la corruption au Cameroun. Compte tenu de ce que ce sujet a très souvent été au centre de vos préoccupations, Quel(s) commentaire(s) le lancement de cette opération vous inspire ?

Je ne saurais directement répondre à votre question, sans vous décrire l’état du Cameroun au moment où est lancée cette campagne d’assainissement, ainsi que vous la qualifiez.

Le Cameroun est un pays potentiellement très riche, naturellement et humainement, mais où paradoxalement la misère sévit ; où le chômage frappe une proportion inquiétante de la jeunesse, la confinant à tous les métiers y compris les plus vils et ignobles ; un pays où l’écart se creuse chaque année entre une infime poignée de riches (qui ont du mal à justifier l’origine de leurs richesses) et une masse de démunis ; un pays qui se signale au hit-parade de la corruption et de la criminalité.

Résultat : un climat délétère qui décourage de nouveaux investissements, si cruciaux pour relancer la croissance, et qui inquiète en même temps ceux qui y ont déjà investi ; le moral des populations est au plus bas, tandis que la jeunesse désemparée perd confiance dans l’avenir. En résumé, un pays qui jouit d’une certaine stabilité politique, menacée par une misère et une corruption rampantes. Un tel décor inquiète pour l’avenir.

Vous avez souvent mis en cause le système de gouvernance publique pour expliquer la situation que vous venez de décrire ? Pouvez-vous nous éclairer davantage sur cette relation gouvernance-performance socio-économique ?

Les économistes parlent de croissance potentielle d’un pays, qui est la croissance maximale compatible avec des contraintes données, d’ordre technique, économique, social, environnemental. Ces contraintes elles-mêmes ne sont pas des données naturelles, elles résultent des performances du système de gouvernance. Si la croissance est fonction du capital, du travail et la productivité globale de ces deux facteurs. La manière dont vous tirez parti du capital (épargne/investissement) ou du travail (qualification du personnel/formation : entrepreneurship), en les combinant, en les orientant (filières à fort potentiel, technologies de pointe, etc.) en les encourageant (politiques économiques et institutionnelles), détermine la qualité de la croissance.

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Vu sous cet angle, la faible croissance que connaît aujourd’hui le Cameroun, et qui est le principal défi de notre pays, est le résultat d’un système de gouvernance publique qui devient davantage une contrainte à la production de richesses qu’un catalyseur, à cause des institutions et des processus décisionnels monopolistiques et non transparents, des décisions publiques non débattues, un système où les hauts responsables disposent de pouvoirs arbitraires et ne rendent pas compte de leurs décisions, etc. Un tel système aboutit à l’inertie et à l’inefficacité institutionnelles dont parle le chef de l’Etat, et qui sont devenus les véritables freins à la création et à la distribution équitable des richesses.

Quel lien avec la corruption ?

La corruption est le résultat direct de cette gouvernance, aussi bien à travers les structures de gestion que les processus décisionnels.

Les enseignements des spécialistes indiquent que la corruption tend à se propager dans des environnements où les hauts responsables jouissent de pouvoirs monopolistiques et discrétionnaires, et ne sont soumis à aucune obligation de rendre compte de leurs actes. Cela a été le cas du Cameroun jusqu’à présent. En effet, les auteurs de la corruption y étaient d’autant plus encouragés que l’exercice de cette activité leur apparaissait sans (ou à faible) risque dans un contexte de carence de sanctions au regard d’éventuels bénéfices escomptés.

Quels sont les visages de la corruption au Cameroun ?

La corruption est définie comme l’abus d’un pouvoir reçu en délégation à des fins personnelles. La chaîne des abus d’une parcelle de l’autorité étatique reçue en délégation pour assurer une mission de service public à des fins personnelles est longue et variée. Il peut s’agir du magistrat qui abuse du pouvoir d’arbitre de l’Etat pour vendre son attribut de dire le droit; des responsables de la défense ou de la sécurité qui détournent à des fins personnelles les moyens mis à leur disposition à travers la délégation que leur accorde le chef de l’Etat pour assurer la protection du territoire et des citoyens; des responsables des finances publiques censés sauvegarder le patrimoine financier national et qui utilisent ces ressources pour s’engraisser; du pouvoir d’informer et de communiquer qui est corrompu et utilisé à des fins d’imposture, de propagande et de manipulation des esprits, etc. Oubliant qu’ils gèrent des ressources publiques, les chefs d’entreprises publiques usent et abusent de ces ressources ; recrutent femme, cousins et autres parents en toute impunité.

Lorsqu’on confie à un haut fonctionnaire la charge de conduire une privatisation au mieux de l’intérêt général, c’est-à-dire défendre pour le présent et le futur la valeur des investissements publics consentis, le capital humain (personnel national) qui représente des années de formation et d’expérience qui sont mis presque gratuitement à la disposition du nouveau repreneur… Lorsque le fonctionnaire en charge d’une telle opération s’investit plutôt à y rechercher un bénéfice personnel, il perd toute marge de manœuvre pour protéger l’intérêt collectif.

La lutte contre la corruption est souvent revenue dans le discours du chef de l’Etat ces dernières années sans que cela se traduise en acte. Qu’est-ce qui peut expliquer, selon vous, que le mécanisme de répression de la corruption se mette en branle aujourd’hui seulement?

Peut-être que le « worst case scenario » (scénario catastrophe) associé à ce phénomène est devenu plus probable ou évident, et les dangers associés plus imminents.

C’est à dire ?

En fait, la corruption ébranle les fondements institutionnels de l’Etat, c’est-à-dire l’Etat lui-même. Face à des institutions étatiques fragiles et affaiblies, qui seraient passées sous le contrôle d’une poignée d’individus disposant de moyens de les soumettre, on court le risque d’une «somalisation». Contrôlé par quelques hommes forts, motivés par des ambitions de pouvoir, le pays est enclin à devenir davantage une jungle qu’un Etat de droit : c’est la loi du plus fort qui règne. C’est ce que les Américains appellent un « rogue state » (Etat voyou). On reviendrait ainsi à l’époque des « war lords » (seigneurs de la guerre), où une poignée de puissants morcellent le pays en chasses gardées. Il n’y a plus d’Etat ou il devient un Etat mafieux. C’est le cas de la Somalie divisée en quatre ou cinq régions sous le contrôle respectif des chefs de guerre. C’était le cas des Shoguna au Japon avant la pacification et l’unification de ce pays. J’ai averti de cette possible dérive dans un article publié dans le Messager intitulé « Maintenant que nous avons le pouvoir qu’allons-nous faire ? », après la victoire du Rdpc aux élections législatives et municipales de juin 2002. Evolution dangereuse, vous vous en doutez, à la fois pour la démocratie, pour la prospérité des affaires et des Camerounais.

Notez enfin que la garantie de la stabilité de l’Etat est la responsabilité première d’un chef d’Etat. Vous comprendrez qu’à cette hauteur, ni le panorama, ni l’appréhension des choses ne sont plus les mêmes.

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Quels sont, selon vous, les pré requis pour lancer une véritable campagne d’assainissement des mœurs publiques de gestion ?

C’est d’abord d’admettre que ces pratiques tirent leur force, pour ne pas dire leur légitimité, de l’architecture, de l’organisation et du mode de fonctionnement du système de gestion des affaires publiques. Et donc d’avoir à l’esprit que l’éradication ou une réduction significative du mal passe à terme par une réforme profonde du système qui l’engendre. C’est également admettre que ce système a contribué à enraciner la culture de la corruption au point d’en faire une norme. A ce sujet, voici ce qu’en disait l’ambassadeur des Etats-Unis dans une conférence de presse le 19 janvier 2006 à Yaoundé : « …C’est avec une grande tristesse que je déplore le fait qu’une culture de corruption bien développée semble avoir pris ses racines au Cameroun ces dernières années. Aucune institution ne semble immunisée contre ce dangereux virus, et la corruption est pratiquée et justifiée par le commun des Camerounais, c’est-à-dire par de petits enfants, leurs parents, leurs grands-parents, les fonctionnaires, bref, tout le monde. Les actes de corruption sont devenus si communs et si banals que certains observateurs se demandent si le sens du mot « corruption » a une connotation différente au Cameroun… ». Je vous rappelle que c’est l’ambassadeur des Etats-Unis, un observateur extérieur, qui a cette impression de notre pays.

La corruption n’est-elle pas inhérente à la nature même du régime conçu dès les origines comme un système de distribution des fonctions et des avantages attachés aux postes ?

C’est un système de gouvernance orienté davantage vers la constitution des rentes et la prédation des ressources que vers la production et la création de valeurs. De là découlent toutes ses faiblesses en matière de performance économique : l’inertie et l’inefficacité dont le chef de l’Etat a parlé il y a trois ans et plus récemment encore, qui sont en fait une inertie des institutions et une inefficacité résultant de la rigidité des institutions, des procédures de gestion publiques et des processus décisionnels non transparents.

Il est difficile qu’un système de gouvernance publique, d’essence coloniale, donc sous-tendue par une logique de prédation de ressources naturelles et de confinement des populations, se transforme subitement en un système de promotion du développement. En l’état, il ne peut être développant pour aucun coin du Cameroun, au mieux pourra-t-il contribuer à l’enrichissement d’une poignée d’individus – comme il le fait actuellement – avec malheureusement peu d’impact en termes de développement des populations.

Voulez-vous dire que l’interpellation des individus n’est pas efficace ?

Mais non, je ne peux pas parler de la nécessité de sanctionner et encourager maintenant le contraire. Seulement, la sanction des individus est une mesure curative de l’arsenal de lutte contre la corruption, mais tout système performant (y compris dans la lutte contre la corruption) construit des instruments de prévention pour avoir le moins possible à recourir au traitement curatif, qui généralement est très coûteux socialement, économiquement et politiquement. Mais, et il convient d’y insister, il faut que la sanction soit juste, neutre, non discriminatoire et équitable.

Justement, la première série des arrestations des anciens Dg a donné lieu à des réactions diverses. Il y a eu comme une jubilation d’une bonne partie de l’opinion qui demande de nouvelles têtes pendant que certains compatriotes crient aux arrestations ciblées d’originaires d’une même province. La politisation de cette campagne n’est-elle pas de nature à gripper la machine ? Ne craignez-vous pas dès cet instant que cette campagne ne se transforme en chasse aux sorcières et en règlement de comptes individuels ?

En effet, c’est une dérive qui doit être évitée dans le pilotage de cette opération, faute de quoi elle en nuirait l’efficacité tout en détruisant sa crédibilité. De la même manière qu’il serait difficilement digérable par l’opinion publique que certains individus notoirement riches ou enrichis sans cause continuent de jouir de leur liberté alors que d’autres sont écroués. Le processus perdrait sa crédibilité pour ressembler davantage à une démarche de « bouc-émissairisation », ou à des rites sacrificiels expiatoires de péché… On serait en plein dans les rites mystiques et non dans un Etat de droit. Il faut donc souhaiter que le processus judiciaire soit fiable, crédible, neutre, non discriminatoire et équitable. Que le droit soit dit, et qu’il soit dit de manière totale, transparente et équitable.

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On a vu les ambassadeurs des Usa et des Pays-bas au Cameroun monter au créneau pour exiger des sanctions contre les gestionnaires publics convaincus de mauvaise gouvernance. Peut-on savoir pourquoi cette pression étrangère s’exerce sur le Cameroun en ce moment ?

A l’issue du point d’achèvement, notre pays bénéficiera de la part des créanciers, qui sont en fait les pays développés, d’une réduction substantielle du service de la dette, de l’ordre de 200 à 300 milliards de Fcfa par an. Il est normal que ces pays veuillent s’assurer que ces sommes seront utilisées à bon escient, et si tel est le cas, le facteur déterminant de l’utilisation efficiente des ressources publiques est la bonne gouvernance.

La lutte contre la corruption est-elle particulièrement difficile à mener au Cameroun au point de nécessiter une aide extérieure ?

Quand la gangrène de la corruption envahit le corps socio-économique à une telle ampleur, le traitement peut requérir, comme dans toute thérapie de choc, des techniques médicales plus pointues et plus sophistiquées, et inévitablement plus coûteuses.

La lutte contre la corruption ne cache-t-elle pas un ou plusieurs autres objectifs de ces puissances étrangères? Les pouvoirs publics camerounais contrôlent-ils le processus?

Ne serait-ce que l’objectif de voir les pays Africains se développer et prospérer, dans l’optique que cela réduise la vague d’immigration vers l’Occident de jeunes Africains en quête d’avenir. Ne serait-ce que dans l’objectif de créer des conditions d’investissement plus attractives pour les investisseurs privés locaux et étrangers.

Certains Camerounais sont convaincus que la campagne en cours participe d’une simple agitation. Pensez-vous que cette opération soit en mesure d’être durable?

D’importants intérêts, locaux et étrangers, convergent aujourd’hui dans ce sens pour qu’elle ne soit pas qu’un simple feu de paille. En revanche, il faut soutenir le chef de l’Etat dans cette opération.

Comment le soutenir par exemple ?

On voit que son parti, votre parti le Rdpc, est quasiment absent de la scène au moment où certaines élites s’agitent dans les villages dans le cadre des marches dites de soutien. N’est-ce pas une manière de bloquer le chef de l’Etat ?

Dans un entretien récent avec nos confrères de la Nouvelle Expression, vous avez indiqué que «les facteurs qui favorisent le gaspillage des ressources dans les entreprises publiques étaient imputables au mode de sélection des dirigeants, à l’absence de critères d’évaluation objectifs et mesurables, à la longévité à la tête d’entreprises sans évaluation objective ni sanction…» Mais vous n’avez pas parlé des ponctions faites dans les caisses de ces entreprises par le Rdpc, votre parti, surtout en période électorale. Sous-estimez-vous l’impact de ces ponctions sur la gestion de ces entreprises?

J’ai déjà indiqué que si l’assainissement de la gouvernance publique doit s’intéresser aux individus susceptibles d’avoir détourné les biens publics, il doit s’intéresser, aussi et surtout, à la réforme du système qui a engendré ou favorisé ces pratiques.

Peut-on efficacement combattre la corruption et la mauvaise gestion publique lorsque les ministres et les directeurs généraux de sociétés publiques sont soumis aux pressions quasi-irrésistibles des pieuvres comme le Rdpc, la Fondation Chantal Biya et Synergies Africaines?

Je donnerai la même réponse qu’à la question précédente qui est du même ordre.

L’institution judiciaire, qui est censée jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre la corruption, est elle-même fortement gangrenée par ce fléau. N’est-ce pas suffisant pour jeter un doute sur l’opération en cours ?

C’est l’occasion pour cette institution, souvent mise en cause en matière de corruption, de démentir ou de consolider cette réputation.

Au cours de l’interpellation de certaines personnalités poursuivies pour corruption, certaines forces de l’ordre se sont livrées à des opérations de racket sous le prétexte de procéder à des perquisitions…

Ce sont des bavures qui apparaissent de temps en temps dans ce genre d’opérations. Il faut en réduire la fréquence et la portée.

Vous qualifiez de «bavure» une pratique courante dans la police et la gendarmerie. On peut donc en dire autant de tous les actes d’atteinte à la fortune publique…

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Depuis que la campagne a démarré, on note comme une impréparation dans la gestion de l’opération. Certains prévenus ont été placés à la prison de Kondengui, avant d’être ramenés dans les cellules du SED. Ces prévenus, pourtant inculpés, n’ont pas encore le droit d’être assistés par un avocat, etc. Cela ne traduit-il pas une gestion peu sereine du dossier ?

Un hôpital qui n’a l’habitude que d’accueillir deux accidentés par semaine aurait beaucoup de mal à traiter subitement cent accidentés. Vous pourrez comprendre dans ce contexte les dérapages, mais également le besoin d’assistance morale et matérielle.

Compte tenu de l’environnement institutionnel en vigueur au Cameroun, qui se traduit par la neutralisation des institutions susceptibles d’évaluer les gestionnaires publics (le Contrôle supérieur de l’Etat) et de les sanctionner (la justice), sans parler de la pression du Rdpc, de la Fondation Chantal Biya et autres, il y en a qui disent que les dirigeants interpellés ne sont pas corrompus, mais sont victimes d’un système. Qu’en dites-vous ?

Je crois avoir déjà répondu à cette question en souhaitant que cette procédure ne se transforme en bouc-émissairisation de certains individus ou en rites sacrificatoires. Il faut que le droit soit dit de manière transparente, crédible, fiable et équitable. Que la culpabilité des inculpés soit incontestablement établie sur la base de preuves irréfutables. Il faudra dans ce contexte admettre la défaillance du système de gouvernance publique qui engendre ces dérives si l’on veut durablement l’assainir et le rendre efficace.

En parlant des entreprises publiques, avec la Nouvelle Expression, vous avez déploré la renaissance des « entreprises qui auraient dû disparaître [parce que] leur simple présence est nuisible aux performances économiques ». Quelles sont ces entreprises que vous n’avez pas nommées ? Pensez vous que leur présence soit de nature à entretenir la corruption dans le pays ?

Elles se signaleront à vous par la création de taxes ou des inscriptions budgétaires spécifiques destinées à leur financement.

Vous n’avez pas répondu à la question…

En supposant que les pouvoirs publics soient décidés à mener une véritable campagne d’assainissement de la gouvernance publique, quelles seraient vos recommandations pour en assurer l’efficacité institutionnelle et politique.

Pour que ce processus atteigne véritablement son objectif d’assainir durablement la gestion des affaires publiques, il faut à mon sens trois conditions : premièrement, que la procédure judiciaire d’interpellation, d’instruction, de jugement et d’éventuelle condamnation soit transparente, neutre, non discriminatoire, juste et équitable pour en garantir l’efficacité et la crédibilité. Il faudrait éviter de laisser l’impression d’une justice à deux vitesses.

Deuxièmement, et corollairement à la condition précédente, que la culpabilité des prévenus soit établie sur la base de preuves incontestables, et le cas échéant que les montants détournés reviennent au Trésor public.

Troisièmement, l’arsenal institutionnel et légal de lutte contre la corruption soit mis en place et appliqué. Le dispositif du gouvernement mis en place pour lutter contre ce fléau a malheureusement montré ses limites.

Si l’interpellation et les éventuelles sanctions peuvent s’avérer nécessaires dans notre situation actuelle, les enseignements tirés des pays qui ont obtenu de meilleurs résultats en matière de lutte contre la corruption montrent que le mal doit être traité à ses racines, par une approche systémique et une stratégie appropriée, exigeant une claire compréhension des sources et des mécanismes de la corruption, des procédures et des processus qui la favorisent, impliquant la participation de tous les acteurs de la société, incluant les citoyens à la base. L’un des aspects remarquables dans les expériences à succès de lutte contre la corruption est l’existence d’agence indépendante de lutte contre la corruption disposant de l’indépendance des moyens, des pouvoirs de sanction et des compétences appropriées. L’efficacité et la crédibilité sont à ce prix.

Enfin, si tout cela est fait, et prenant conscience collectivement du rôle du système actuel à favoriser la corruption, qu’il en soit tenu compte dans l’établissement des responsabilités et des sanctions.

Entretien réalisé par Christophe Bobiokono